Rumeurs… ou Les Possédées de Loudun / Le Kronope
Sur un texte de Joëlle Richetta, quand l’Histoire inspire le théâtre… (à la Fabrik Théâtre)
Le Kronope, pour ceux qui ne connaitraient pas encore, c’est une troupe, d’abord et avant tout. C’est à cet esprit de troupe véritable, si rare désormais, qui plonge ses racines très loin dans l’histoire du théâtre, depuis Molière ou le théâtre Elisabéthain, que l’on identifie d’abord la « marque » Kronope. Une bande joyeuse et soudée, qui crée ensemble, parfois souffre ensemble… depuis plus de vingt ans. Une famille, en fait. Et d’ailleurs, c’en est une, au sens patrimonial du terme, qui s’agrandit au fil des ans autour de Guy Simon et de Joëlle Richetta… Ce qui les réunit est cette solide passion pour un théâtre populaire, exubérant, ébouriffé qui utilise tout le répertoire formel de la Commedia et du classique Français. On a là à faire à un théâtre très visuel, physique, qui s’élabore sur des textes forts, souvent des classiques du répertoire, mais pas que cela, avec une débauche de masques et de costumes, et l’omniprésence d’une bande-son aux musiques originales. Bref, un théâtre haut en couleur, baroque sans être outrancier.
Leur Création 2010 reprend un fait historique, presque une légende tant elle aura marqué l’imaginaire collectif et est révélatrice d’une époque. Le pitch : la rumeur qui s’installe autour d’un prêtre libertin et érudit, accusé de sorcellerie et de manigances avec le démon, nous ramène dans un siècle où l’on ne rigolait pas avec la morale, encore moins avec l’Eglise et le pouvoir. On est en pleine France des lumières, mais ça ne se sent pas vraiment à Loudun, « capitale » autoproclamée de Richelieu, bourgade moyenne, riche et influente. La suite, ce « drame » de la calomnie, de la jalousie et du ragot, est une longue litanie de scandales jusqu’au retour de l’Inquisition et de la chasse aux sorcières.. A connecter directement sur notre monde contemporain, où l’on a vite fait d’assassiner symboliquement ceux ou celles qui dérangent la bonne conscience populaire.
Cette pièce est, comme toujours avec la compagnie, le résultat d’un véritable travail collectif emmené par le metteur en scène Guy Simon et la désormais auteure Joëlle Richetta, autour d’un gang rôdé au rythme de la comédie ; elle est surtout le fruit d’une commande passée par la Ville de Loudun, qui a accueilli Joëlle Richetta et sa troupe pour une résidence de travail, dont l‘aboutissement est cette « farce » dans la meilleure tradition Kronopienne . La part-belle faite aux costumes et aux masques (remarquables, œuvres de Martine Baudry), la direction d‘acteurs précise de Guy Simon, illuminent ce beau texte de facture classique, qui sied à l’art du Kronope. Avec une révélation, que ce jeune prêtre interprété par Loïc Beauché, récemment arrivé dans la troupe, qui campe ce libertin gourmand et licencieux avec une assurance remarquable et un véritable sens de la comédie. Guy Simon signe là une mise en scène parfaitement raccord avec l’esthétique de la troupe, virevoltante, servie par une scéno pour une fois discrète et une bande son très présente. Un beau morceau de comédie, enlevé et irrévérencieux…
Luc Benoit
J’ai vu cette pièce et c’est une des meilleures du Kronope. Un décor plus épuré que pour la tempête mais un spectacle très structuré, bien abouti.
Rien n’est laissé au hasard, un travail de pro qui respecte le public.
A voir absolument.