QUATUOR VIOLENCE : ENTRETIEN AVEC STEPHANIE AFLALO

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LEBRUITDUOFF.COM / 16 juillet 2014.
Quatuor Violence / Cie des Divins animaux / mes Florian Pautasso / La Manufacture / Jusqu’au 26 juillet 2014.

Rencontre avec Stéphanie Aflalo, actrice jouant tour à tour la mystificatrice en tous genres, la magicienne de théâtre et l’agitatrice sensuelle dans l’excellent Quatuor violence qui se donne au off du festival à la Manufacture jusqu’au 26 juillet.

-Comment avez-vous élaboré « Quatuor Violence » ?
Stéphanie Aflalo : Florian Pautasso, le metteur en scène de cette pièce, nous a réunis autour de cette idée : concevoir un spectacle sur nos rapports à la violence. Au cours des premières répétitions, on devait travailler réellement sur ce qui provoque de la violence sur le plateau. On a livré des textes, et ceux d’origine littéraires ont très vite été évacués. On a conçu des improvisations avec ce matériel apporté par chacun. Florian a essayé de donner un contour à cette matière, avec une cohérence au sein de son évolution.

Le premier temps est en quelque sorte témoin. On dépose les faits sans trop se positionner dessus. Par exemple le T-shirt Killer que porte chacun d’entre nous, l’un après l’autre au début de la pièce. Il fait suite à l’affaire de cet adolescent américain qui dans son école a tué 3 personnes, et lors de son procès, il arborait ce T-shirt sur lequel est inscrit en lettre capitales le mot : Killer. Au cours du procès, il affichait un sourire permanent. Aux creux des matériaux, Florian s’est emparé de ce qui était théâtral et intéressant sur le plateau avec nos écriture,s sans pour autant opter pour une posture morale tranchée. L’unique moment d’improvisation du spectacle, celui qui change tous les soirs, c’est lorsque sur scène nous sommes tous les quatre et lorsqu’on recompose l’histoire avec des faits variables. Dans la seconde partie, Florian nous a d’avantage incités à chercher en nous « ce noyau de violence », et inventa la situation suivante : dissuader quelqu’un de vous faire du mal.

-Qu’est-ce qui distingue la part écrite de l’improvisée ?
 Stéphanie Aflalo : J’ai proposé cette chose sur le viol collectif. Puis à force de le faire et le refaire, la structure s’est formée, mais quelque chose de l’ordre de l’improvisation demeure. On oscille toujours entre de l’improvisation et de vrais écrits. Mais rien n’a été fixé à l’avance, on retrouve ça chez Deleuze, particulièrement lorsqu’il évoque l’intimité et affirme qu’elle ne nous préexiste pas. C’est avec le mot qu’elle se cristallise. Florian, en nous réunissant avec ce thème de la violence, désire sans doute de la part de ses comédiens en finir avec la tricherie. On a accepté de traduire le rapport intime que chacun d’entre nous porte sur telle ou telle sorte de violence. Ce qui compte est moins l’histoire, que d’accepter de se mettre en danger ou à nu, devant des gens au moment présent. Selon moi c’est ce qui fait que Quatuor violence est un moment de théâtre, c’est qu’il se vit au fond, telle une expérience sur l’écoute.

Dans le cas de l’écriture, des moments comme l’oignon par exemple sont totalement absurdes. Je ne suis pas en train de me scarifier sur scène, et pourtant il me faut de l’acharnement pour le finir. C’est de cet acharnement dont je parle et dont la pièce parle selon moi. Dans Quatuor Violence, il prend son sens notamment en filigrane du texte de Marina Abramovic. Dans la troisième partie, on essaye d’exorciser le fait de parler de la violence. On part de nos intimités, mais on ne fait pas quelque chose qui pourrait s’apparenter à un journal intime. On essaye de rester au plus proche de nous, mais tout en ayant conscience qu’il n’y a que des intimités dans la salle ; leur rapport à la violence et leur histoire sont à chaque fois différentes.

-Pourquoi les silences ont-ils dans « Quatuor Violence », et peut-être dans la vie, tant d’importance ?
Stephanie Aflalo : Lorsqu’un silence envahit la salle, on essaye à chaque fois de le recueillir, et le public dès lors ne cherche pas à coller à une émotion déterminée.  Dans cette pièce tout le monde à des secrets, de leur convergence se tisse un lien très fort sur le plateau et dans les gradins. Une chose secrète est enfouie en nous et dans le public, on essaye chaque soir de la remuer un peu plus. Les scolaires sont hilares du début jusqu’à la fin (sourire). Les enjeux sont là, on en est arrivés à un moment où tout est nécessaire et tout devient une affaire de sensation avec cette pièce fragmentée, éparse. La réalité, la chair de la pièce s’effleure avec le voyage intérieur qu’effectue chaque spectateur. Il est en lui-même le spectacle de l’acteur.

D’ailleurs le silence est nécessaire et produit une force inouïe lorsqu’il n’est pas gratuit. Je puise peu dans ma vie personnelle, plus dans celle des textes que je lis, cela corrobore peut-être  l’idée de silence. Par exemple en ce moment, je lis Le livre de Job, cela m’amène à me poser des questions et je pense que la nécessité c’est quelque chose qui n’est pas personnel. La nécessité c’est aussi le fait d’être sur le plateau devant 90 personnes. Dans Crainte et Tremblement de Kierkegaard, il est question beaucoup d’intimité, l’auteur évoque notamment le fait que le véritable sacrifice est celui qui n’a pas d’explications. Il fait une différence entre le sacrifice d’Abraham, et la foi qui est toujours la même jusqu’au moment du sacrifice. Il compare ainsi Abraham qui sacrifie son fils à Agamemnon qui sacrifie sa fille. Il distingue les deux, car lorsqu’Agamamnon sacrifie sa fille, le peuple grec approuve son geste. Or Abraham lui a un lien direct et intime avec son Dieu et ne parle à personne de ce voyage de trois jours qu’il fait dans la montagne. Pour moi il est question là de cette chose secrète et nécessaire qui nous habite. La différence c’est que cela ne s’exprime chez l’acteur que dans le général.

Propos recueillis par Quentin Margne.

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