FESTIVAL D’AVIGNON : UN « HUIS » BLUFFANT DE JOSSE DE PAUW
68e FESTIVAL D’AVIGNON : « HUIS »/ Josse De Pauw et Jan Kuijken/ jusqu’au 17 juillet/ Cloître des Céléstins
HUIS assemble en un spectacle deux pièces brèves de Michel de Ghelderode. Mis en scène par Josse De Pauw, HUIS joue jusqu’au 17 juillet au Cloître des Célestins.
Au sol sont déposés des corps masculins inertes : ils sont mous, tièdes, lourds… L’atmosphère est confuse. Cela donne l’impression d’être plongés dans une forme de désordre du passé, qui aurait lieu avant d’avoir été voulu et conçu. Jouxtant cette scène initiale d’un réveil hallucinatoire, transparaît visiblement une table de mixage, divers instruments et le musicien compositeur : Jan Kujiken. Sa présence dit peut-être le fait qu’il faille sans cesse traduire et corriger simultanément et activement la musicalité, sous l’effet du théâtre à venir.
La lumière est crépusculaire, presque de la soie, s’accordant parfaitement aux draps qui recouvrent ces corps étendus dans l’espace, plus proches de la mort que de l’enfance. Ou bien l’inverse. C’est un son de cloche difficilement identifiable qui réveille l’un des protagonistes et l’extirpe de la torpeur. Puis s’enchainent fragments de phrases, bouts d’information, confrontés à la réalité sonore de la cloche. Pas de raisonnement, pas d’argument, pas de méditation, seulement une conversation évanescente, éolienne.
En procédant ainsi, les pensionnaires de cette salle d’hospice s’approchent peu à peu d’une scène, ou tout du moins la scène de quelque chose. On ignore ce qu’elle est. Le bruit de cloches : malédiction ou fin de l’attente ? En revanche, on est certain qu’elle se rapporte à un passé, à la fois du plus lointain et du plus proche ; à la fois le passé de soi et le passé des autres. Le temps perdu, ici, celui de l’attente de la mort, n’est pas un tableau, il est ce qui présente les éléments du tableau, d’un tableau possible.
Cette recherche visuelle, théâtrale et musicale trouve son aboutissement avec les danses burlesques, presque grotesques, mises en énergie par ces personnes aux membres fébriles, toujours très attentives à ne pas se cogner. Des danses, du chevauchement, une pièce masculine et féminine tout à la fois, des sentiments, de l’ordre, de la joie et de la folie tombent sur l’esprit comme une grâce. HUIS en notre effort fait son anamnèse et se déploie comme une flambée dans l’âtre du théâtre.
Quentin Margne.
Article publié dans INFERNO MAGAZINE le 17 juillet
Photos C. Raynaud de Lage / Festival d’Avignon