LE BRUIT DU OFF

lebruitduoff.com – 17 juillet 2023

AVIGNON OFF 2023. La belle Seine-Saint-Denis – Programme danse #2 – La Parenthèse – du 16 au 20 juillet 2023

Encore gagné

Au moment où Vive le sujet, dans le jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph, organisé par le Festival montre des signes d’essoufflement à force d’hybridations de tous les arts vivants dans un même endroit, La belle Scène Saint-Denis démontre qu’en gardant la ligne chorégraphique, sans s’éviter des débordements pluridisciplinaires, la danse donne à voir des œuvres – ou extraits –  puissants, forts et émouvants.

Sur le pont d’Avignon

Olga Dukhovnaya, accompagnée de l’accordéoniste Éric Allard-Jacquin, présente un extrait de Hopak, une création à venir. Artiste d’origine Ukrainienne installée en France, Olga Dukhovnaya est inspirée par les danses folkloriques dont elle déconstruit à loisir la forme pour faire jaillir une danse physique, engagée et complexe. La force de ce travail vient de la puissance de l’accordéon, instrument aux possibilités multiples et qui émet des sons qui permet de lâcher l’effort que fait Olga Dukhovnaya dans ce solo qu’elle propose. De la scansion du pied, commune à beaucoup de danses du monde, aux positions accroupies qu’on retrouve dans les danses de l’Est, la danseuse chorégraphe, rictus fermé, démontre une présence qui laisse, hélas, peu de place à un sourire qui vient aux saluts et qui donne l’espoir que dans sa futur pièce le plaisir dépassera l’engagement physique qui prend trop de place dans cette proposition.

Lettre à Elise…

Le second extrait permet au chorégraphe brésilien Paulo Azevedo de faire monter sur scène Lucas Nunes (plus connu sous le nom de Zina) et Pedro Henrique Brum qui sont deux bêtes de scène, à la physicalité impressionnante et à la technicité sidérante, notamment dès le début du spectacle où, esquissant des courses puissantes, ils chutent à deux doigts des pieds des spectateurs du premier rang, tombant sur le dos. Ils nous entrainent dans leur prise de risque, dans leurs courses circulaires, comme deux enfants jouant à s’attraper. Paulo Azevedo n’oublie pas d’où il vient : le Brésil, une société très violente, notamment dans les couches sociales très défavorisées, la circulation et l’usage des armes et de la drogue qu’il signale par quelques artifices sonores ou visuels, mais on y est bien. La musique classique vient apaiser l’ensemble. Les deux danseurs sont brillants et puissants, presque trop pour ce tout petit plateau, mais on comprend et soutient le geste artistique.

Dirty dancing

Placée dans un lieu qui se nomme « la Parenthèse » cela permet à La belle Scène St Denis de faire des choses surprenantes, émouvantes (comme dans le premier programme avec Sylvère Lamotte) ou drôle comme ici avec Sylvain Riéjou qui nous a réjouit du début de son travail autour de « On ne badine pas avec l’amour » de Musset. Hilarant – mais instructif – une pièce qui veut retrouver le chemin de l’amour à travers un duo, un trio puis un quatuor où grâce à un micro quasi ouvert en permanence, Sylvain Riéjou raconte, à travers des didascalies dites à haute voix, son processus de création. Il traverse ainsi à la fois l’histoire de la danse, du cinéma, mais avec la palette de ses sentiments pour et entre BB et Johnny, les deux personnages du film… Impossible de décrire tout ce qui se passe et toutes les facéties que nous réserve le chorégraphe… mais je n’ai jamais entendue autant rire à La parenthèse et m’est avis que professionnels et public sont impatients de voir cette pièce dans sa version finale qui ne saurait tarder…

Emmanuel Serafini

Image : Lucas “Zina” Nunes et Pedro Henrique Brum