« POUR UN TEMPS SOIS PEU » : COUP DE FAUX SUR NOS INTOLERANCES

Lebruitduoff.com – 20 juillet 2023
AVIGNON OFF 23. « Pour un temps sois peu » – Texte et jeu : Laurène Marx – Mise en scène : Fanny Sintès – Au théâtre « Le 11 » du 9 au 26 juillet à 21h25 (relâche les 13, 20 et 21).
Ce n’est pas le t-shirt Star Wars dont est flanquée la comédienne Laurène Marx qui indique que la force est avec elle mais clairement son regard semblant scruter chaque spectateur à son entrée sur scène.
Laurène est cette trans qui nous parle de sa transition, de tous ses aspects, chirurgicaux, sociétaux, sexuels, intimes. Mais alors qu’il apparaît impossible, au fil du spectacle, de définir ce qu’est une femme
à ses yeux, les descriptions au vitriol d’un monde de violence deviennent clairement un prétexte à tendre simplement un miroir au public. Laurène Marx, d’un ton sûr et d’une répartie acérée, mène la danse ce soir-là, impossible de ne pas la suivre et de passer à côté de son récit bouleversant.
Seule au micro façon stand up, la comédienne entremêle à son histoire celles de ses « sœurs » prostituées au bois pour lesquelles la société veut un monde meilleur – comprendre sans prostitution – mais ne propose rien d’autre à ces personnes qui sont traitées comme une sous-classe. Comment parler de choix quand justement ce choix n’existe pas pour elles ? Laurène Marx enchaîne toute sa colère, ses doutes, sa douceur au fil du spectacle avec en toile de fond un humour souvent noir et décapant qui, s’il fait rire, fait souvent rire jaune tant chacun peut se retrouver dans cette description au scalpel d’une société intolérante et d’une violence sournoise et inouïe.
Tout peut sembler d’une noirceur absolue dans ce récit aux nombreuses cicatrices mais c’est sans compter sur cet humour si particulier et une maîtrise parfaite du rythme avec lesquels Laurène nous lâche la main puis nous la reprend très vite. Le public tangue alors sans interruption avec ce sentiment de doute, chacun se demandant de quel côté il est, celui des « gentils » ou celui des « méchants ». Quoiqu’il en soit, Laurène n’épargne personne, ni elle, ni le public, ni les TERF ou autres groupes. A ce stade seules les religions semblent épargnées, peut-être dans un autre spectacle. Laurène ratisse large et la faux est tranchante, mais celle-ci ne tranche que nos certitudes et nos intolérances vicieusement cachées au plus profond de ce qui a construit nos sociétés et nos codes. Un spectacle coup de poing à ne surtout pas louper.
Pierre Salles
































