« TABLEAU D’UNE EXECUTION », UNE FEMME TROP EN AVANCE SUR SON TEMPS

Lebruitduoff.com – 24 juillet 2023
AVIGNON OFF 2023. « Tableau d’une exécution » – Texte de Howard Barker – Mise en scène – Agnès Régolo – Théâtre des Halles du 7 au 26 juillet à 18h45.
C’est en 2022 que le Bruit du Off Tribune avait vu « Artemisia Gentileschi » aux ATP d’Avignon. Alors qu’il s’agissait d’un travail sur l’histoire de cette peintre violée par son le peintre Agostino Tassi et qui se retrouvera devant les tribunaux, broyée par le système puis, vers la fin de sa vie, enfin reconnue comme peintre majeure, Agnès Régolo propose ici une mise en scène à partir d’un texte contemporain de l’auteur anglais Howard Barker qui propose une autre vision, plus noire et cynique de ce processus où une femme en avance sur son temps se heurte au pouvoir politique et religieux.
Galactia, interprétée par Maud Narboni, est une artiste peintre à qui le doge commande une œuvre magistrale de trente mètres et représentant la bataille de Lepante opposant les vénitiens et les turcs. Alors que le doge y voit avant tout un espace de communication sur la grandeur vénitienne, Galactia y voit avant tout la démonstration picturale de la barbarie de la guerre.
Galactia est une femme forte et libre, peut-être trop pour une action qui se déroule en 1571 mais le texte et la mise en scène permettent ce flou quant à l’époque où se déroule le drame. Sur scène, la metteuse en scène prend garde à ne pas marquer l’époque au travers de costumes et de décors trop appuyés et le jeu même des comédiens permet cette liberté. Galactia, peintre douée se heurte à un monde politique tenu par les hommes et le propos est on ne plus d’actualité. Campant un doge fin politicien, le comédien Pascal Geny excelle, tantôt arrangeant, souvent machiavélique, il mène la danse face à une Galactia qui ne lâche rien mais qui en définitive, contrairement à Artemisia Gentileschi, est engloutie par le système. Entre ce jeu de vérité et de pouvoir, le comédien Kristof Lorion campe l’amant de Galactia, un homme bien plus faible que sa maîtresse et qui peu à peu prend conscience de la valeur de celle-ci, passant subtilement du rôle de salaud à celui d’amant amoureux mais qui n’est pas à la hauteur de cette femme intransigeante.
Une mise en scène intelligente d’Agnès Régolo qui sait gommer les marqueurs d’une époque pour mieux montrer la constance des injustices faites aux femmes.
Pierre Salles

































Vu dès le 3ème jour du off ..c’est resté un de mes sommets . La surprise , c’est un texte linéaire assez classique mais de la puissance dont sont dotés les classiques multi-séculaires … c’est entre Shakespeare et Victor Hugo alors que c’est un texte contemporain ( 2010 ?) ! La mise en scène et les comédiens servent admirablement cette réflexion sur l’absolue liberté de la création artistique .
L’épisode de la prison des Doges , avec la voix « d’outre-tombe » est réellement émouvant !
Un retour en 2024 serait bienvenu