« LA BELLE SCENE SAINT DENIS » A OUVERT EN BEAUTE

AVIGNON OFF 2024 : LA BELLE SCENE SAINT-DENIS – Programme 1 : Agathe Pfauwaddel & Aëlla Labbé, Mélanie Perrier, Amala Dianor – Du 2 au 6 juillet 2024 à La Parenthèse.
Telle Barthelby, Emmanuelle Jouan, la Directrice du Théâtre Louis Aragon à Tremblay en France en Seine St Denis, n’a pas pu « ne pas » parler de la situation de cet entre-deux tours des législatives qui sature l’atmosphère de cette 78 ème édition du festival et de son OFF.
On ne peut d’ailleurs que partager son inquiétude et sa crainte de voir disparaître les aides publiques en faveur de l’expérimentation, de la recherche, notamment en danse contemporaine tant il est vrai que depuis 13 ans maintenant l’équipe du TLA de Tremblay a fait de La parenthèse un havre de paix pour cette recherche et l’indispensable besoin d’expérimentation pour la danse et ce nouveau premier programme de 2024 en est la preuve…
HARD-ROCK-COEUR
On commence par un extrait de AC/DC une intelligente mise en jeu d’un corps imaginée par Agathe Pfauwaddel & Aëlla Labbé pour un duo dont le jeune danseur autiste Jules Lebel – est, disons le tout de suite : prodigieux dans sa façon de nous entrainer dans cette danse qui lui semble si indispensable…
Il entre en scène longiligne, frêle, accompagné de Stéphane Imbert massif… les deux hommes sweet bleu et l’autre orange se placent chacun dans son corner et pendant que l’un assemble des cannes de bambou, l’autre fait tourner un vinyle sur un vieux tourne disque et c’est une musique de AC/DC, presque mezza voce, qui s’en échappe pendant que Jules nous montre une collection de T-shirt ciglés de ce groupe de hard rock… Les gestes des bras de Jules tendus vers le ciel, ses yeux révulsés miment l’état de transe – sans doute ?! – des fans (dont il est ?) de ce groupe en concert ou chez eux…
On pourrait craindre, vu le titre, une chorégraphique en tension agressive comme ce rock mais il n’en est rien. Plusieurs accolades tendres vont rythmer cet extrait. Touchant.
L’évocation de films populaires vont donner prétextes à des batailles entre les deux hommes immergés dans leur monde fantastique, finissant par se mettre au sol et l’un dans la trace de l’autre par s’appesantir…
Tous ces gestes organiques, cet abandon devant nous, yeux fermés, nous entrainent dans le monde de Jules. On est avec lui, convaincus de son besoin de danse qu’il nous transmet et qui nous porte.
APRES LES SAUTS...
Plus complexe mais non moins intéressant, on a pu voir un extrait de Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble, une chorégraphie captivante de Mélanie Perrier…
Trois filles, deux garçons sont déjà sur scène avec à cour la percussion que le compositeur et instrumentiste Thierry Balasse manie avec dextérité et mesure – toujours le risque dans un si petite espace de le saturer de son, là, parfait…
Statique, en cercle, le quintette regarde vers le ciel, se hisse sur demi-pointe et retombe.. et, magie du moment, le velum blanc qui recouvre la cour de La parenthèse, grâce au mistral, suit le mouvement et semble les absorber vers le ciel. Plusieurs sauts très rythmés finissent par placer les danseurs en ligne, les bras ballants et un mouvement qui fait penser aux cloches dans les campaniles, composant chacun à son rythme une chorégraphie de bras comme autant de sons possibles dans l’espace… l’ensemble – qui n’est qu’un extrait – pour austère qu’il soit reste tout de même une prouesse des corps lancés dans ces extravagants sauts qui nous font penser à la fin à notre geste de l’épaule et du buste lorsqu’on est déséquilibré… moment à savourer…
PAS DE BATTLE
Marion Alzieu, chorégraphe et danseuse fait son entrée pour M&M, la nouvelle chorégraphique d’Amala Dianor.
Une musique rythmée la précède. Elle se place au centre, tend la jambe, esquisse une fente, tord son buste, place ses bras. On est déjà sous le charme… Mwendwa Marchand, fine femme métisse fait son entrée à jardin. Elles portent toutes les deux des chaussettes aux motifs marbrés – ce doit être ça leur secret ! – et on assite alors à un déferlement de gestes précis, ciselés, sans hésitation, parfaitement exécutés.
Sans être dans l’esprit Battel, on perçoit quelque chose de la prouesse offerte de l’une à l’autre et surtout à nous…
Que ce soit dans les enroulés des bras, les figures de Krump qui jaillissent, la poitrine rentrée puis violement sortie face public ou la flexion des genoux qui donne du rebond à tous leurs gestes, tout ceci apporte à cette première version de M&M sans cesse cassée dans sa savante et parfaite exécution par l’œil complice d’Amala Dianor qui confirme son sens de la chorégraphie et son attention à ne jamais tomber dans la facilité.
On est tenu en haleine, y compris par cet audacieux final dans le silence où juste le merle de La Parenthèse ose chanter…
Emmanuel Serafini
Image : AC/DC – photo Agathe Pfauwadel
































