« ROMEO ET JULIETTE », UNE ANTICIPATION ORWELLIENNE DU MYTHE PAR ALAIN TIMAR

Lebruitduoff.com – 05 juillet 2024
AVIGNON OFF 24 : « Romeo et Juliette » – mise en scène Alain Timàr – au Théâtre des Halles à 21h30 – spectacle en Coréen surtitré – du 29/07 au 21/07 relâche les mercredis.
Cette pièce fraîchement créée à Séoul par Alain Timàr qui n’a de cesse d’embarquer le public dans des adaptations insolites, permet une fois encore au metteur en scène de ne pas déroger à sa règle en revisitant un grand classique : un « Romeo et Juliette » auquel il fait traverser de nombreuses années par sa vision du texte en 2100, mais également par-delà les continents avec une troupe de quatorze artistes Coréens pluridisciplinaires, tous armés d’un solide talent que ce soit en danse ou en jeu d’acteurs.
Dans ce nouveau monde de 2100 la vie de couple n’existe plus, et grâce aux fécondations in vitro plus besoin de relations charnelles, mettant de fait un terme à la cohabitation homme-femme. Une nouvelle société voit le jour, aseptisée, froide et clivante. Les deux grandes familles, les Montaigu et les Capulet sont donc constituées maintenant du sexe masculin pour l’une et du sexe féminin pour l’autre.
Sur scène, un grand carré au sol en guise de ring où se déroulent les affrontements des deux clans qui se haïssent, sous forme de joute oratoire, de danse-ballet ou de jeu dramatique. Seuls Romeo et Juliette, ayant malgré tout besoin de relation charnelle dans ce monde aseptisé, vont braver l’interdit en s’aimant à la folie et à la mort. Ces deux jeunes amants fougueux ne peuvent renoncer à l’amour corporel et passionné.
Le musicien Youngsuk Choi donne le rythme tout au long de la pièce à la manière d’un chœur antique avec une Kitahara moderne, en insufflant la cadence des moments forts et importants. Placé au mitan du carré entre les deux familles, tel un spectateur immuable qui assiste aux belles chorégraphies synchronisées ou aux complots qui se fomentent dans le bit d’unir les deux amoureux.
Alain Timàr propose ici une vision futuriste des relations humaines où l’amour parvient à résister encore et encore, malgré le poids de la perte des relations sociales et intimes, dérives que chacun peut pressentir dans ce monde en chaos mais où l’espoir existe encore. L’association de sa vision moderniste avec un passé qui refait surface dans la tradition la plus humaine, comme immuable. On ne peut qu’apprécier la beauté des multiples costumes virevoltant en même temps que les comédiens, l’intrigue et la passion dévorante, dans une mise en scène singulière qui démontre une fois de plus l’universalité et l’intemporalité de cette pièce, servie admirablement par Alain Timàr et son casting de comédiens toujours sans faille.
Béatrice Stopin
Photo DR
































