« JUBILÄ », UNE CLOWN MUSICIENNE BRILLANTE ET FANTASQUE

Lebruitduoff.com – 14 juillet 2024
AVIGNON OFF 24. « Jubilä », de Leïla Martial – à La Manufacture du 4 au 21 juillet 2024 (relâche les 10, 17 juillet) à 15h20 (durée 1h25).
Jubilä, comme un double de Leïla Martial, qui la contient ou inversement. Le personnage a tout du clown : le maquillage blanc avec les pommettes rouges, le désir de faire rire, le lien avec le public, l’irrévérence et la sensibilité. Ce clown-là chante, fait de la musique avec des mignonettes, maîtrise le beat box, parodie toutes les langues, offre des moments de grâce exceptionnels avec une harmonie merveilleuse. L’ensemble est un peu foutraque, la sensibilité de l’artiste se révèle au fil des séquences jusqu’à une chanson finale extrêmement émouvante. Une découverte solaire inclassable et merveilleuse.
Démarrage dans le noir total. Nous passerons sur l’introduction pour ne pas gâcher la surprise des prochains spectateurs. Le personnage de Jubilä se présente comme une illuminée, couronne de fleur sur la tête, robe de hippie. Une table trône sur scène avec une série de mignonettes rangée par ordre de taille. Une console attend sagement derrière, de même que d’autres accessoires de plume. Quel univers fantasque ! Les adresses au public sont étranges et décalées. Au cours du spectacle, Jubilä change aussi de costume, passe une perruque rouge avec un drôle de peignoir translucide bleu. Elle brouille les pistes, s’engage sans cesse sur de nouvelles voies inattendues.
Où veut-elle en venir ? Il faudra attendre le premier morceau, mélange de voix et de notes soufflées sur les mignonettes pour apercevoir le talent de l’artiste. La polyphonie qu’elle crée, notamment avec sa console de beat box, est incroyablement harmonieuse, de vraies mélodies se créent en live, dignes d’un orchestre. Quel outil que la voix ! L’étendue des possibles est infinie, et les morceaux offerts sont magnifiques.
Jubilä sait aussi y faire avec les accents. Elle chante dans des langues imaginaires, avec des relents d’anglais ou autre. Plus tard, elle répond à des interviews à l’américaine, avec tous les clichés du genre, avant de passer à l’espagnol, au chinois, au russe, à l’arabe… Son oreille attentive recrée les sonorités, sans s’attacher aux mots.
Voilà une artiste inclassable, qui n’hésite pas à se mettre à nu, et offre une magnifique chanson, émouvante, poétique et personnelle, à ceux qui auront le temps pour les rappels. Une belle aventure que ces « concerts de musique un peu barrés ».
Emmanuelle Picard
































