LE BRUIT DU OFF

Lebruitduoff.com – 15 juillet 2024

AVIGNON OFF 2024. « Exit » – adaptation de Benjamin Gauthier et Karine Dubernet, mise en scène Charles Templon – au Théâtre du Train Bleu du 4 au 20 juillet 2024, jours pairs à 13h20 (durée 1h25). 

Exit, comme un pied de nez à la vie, c’est un peu la réalité qui dépasse la fiction. L’association Exit a été créée en Suisse en 1982 pour proposer une assistance au suicide aux personnes en fin de vie qui en font la demande. Karine Dubernet et Benjamin Gauthier ont adapté le documentaire éponyme de Fernand Melgar ; Charles Templon est à la mise en scène. Le spectacle n’a rien de larmoyant, bien au contraire. Parler de la mort est aussi l’occasion de parler de la vie. Si le thème est lourd, l’approche choisie fait preuve d’une grande humanité en se focalisant aussi sur les bénévoles de l’association. Le ton est juste, jamais moralisateur, toujours humain et terriblement vivant. Un beau coup de cœur, et un témoignage nécessaire dans les débats actuels en France.

Ils sont cinq sur scène, à jouer alternativement les bénévoles de l’association et les malades, témoignant ainsi que l’on peut se retrouver rapidement de l’autre côté du miroir. Un panorama de paysage suisse est présent en toile de fond, des tables et sièges roulants servent aussi bien aux bénévoles qu’aux malades. Les saynètes se succèdent, avec beaucoup de rythme et d’efficacité. 

L’accent mis sur les permanents de l’association permet de rappeler les règles strictes qui encadrent le suicide assisté en Suisse. La dépression n’est pas traitée, le code de conduite est rappelé (il n’y a rien à vendre), de même que les conditions de l’assistanat (le malade doit boire lui-même sa potion).  Le libre choix est rappelé jusqu’au bout, jusqu’au moment d’ingurgiter la potion. C’est aussi l’occasion de se pencher sur les motivations profondes de chacun des accompagnateurs, sur leur générosité et leurs limites. Exit est une association de bénévoles comme d’autres, avec des egos, des contraintes personnelles, des vies privées à protéger, des coups de fatigue et de stress, transcendés par la raison d’être d’Exit. Tout est traité avec un certain humour, le spectacle n’est jamais plombant.

Les malades, eux, et ceux qui appellent l’association par téléphone, ont tous types de pathologies, tous types d’approche face au suicide assisté. Les dépressifs sont d’emblée écartés, les maladies dégénératives occupent une place de choix. Il y a ceux qui sont déterminés, ceux qui hésitent au dernier moment, ceux qui protègent leur famille, les français exilés. Une relation forte s’établit avec les accompagnateurs. Tous cherchent une sortie digne, le Libre Adieu est toujours un choix en Suisse. 

Parler de la mort est aussi parler de la vie. En terminant le spectacle par un Oh Happy Days chanté collectivement, la troupe le rappelle sans cesse. Les acteurs sont impeccables, avec une mention spéciale pour Nanou Garcia avec ses cheveux argentés et sa belle voix grave. Une émotion supplémentaire s’invite à l’évocation d’Adel Hakim. Les mots de ce génial metteur en scène (voir l’Antigone montée avec le Théâtre National de Palestine) et le souvenir de son apparition lors de l’inauguration de la Manufacture des Œillets avec Des roses et du jasmin bouleversent. Ce n’est sans doute pas un hasard si une grande partie des acteurs de la pièce avaient travaillé avec lui à un moment ou à un autre de leur carrière. Merci pour ce bel hommage indirect.

Emmanuelle Picard

Photo J.L. Fernandez