« RESSOURCES HUMAINES », UN POIGNANT PORTRAIT SANS FARD DU MONDE OUVRIER

Lebruitduoff.com – 15 juillet 2024

AVIGNON OFF 24. « Ressources Humaines » – texte de Laurent Cantet, Gilles Marchand et Elise Noiraud, adaptation et mise en scène Elise Noiraud, au 11 Avignon du 2 au 21 juillet 2024 (relâche les 8 et 15 juillet) à 18h50 (durée 1h25).

Peut-on vraiment se soustraire à ses origines sociales ? Dans les années 2000, le film « Ressources Humaines » de Laurent Cantet avait fait beaucoup de bruit. Aux côtés de Jalil Lespert révélé par ce film ne figuraient que des acteurs amateurs, ancrant l’histoire dans le monde ouvrier. Elise Noiraud en propose ici une adaptation théâtrale efficace, avec un casting parfait. Le drame du transfuge social est saisissant, la description du monde de l’usine convaincante, surtout côté syndicaliste. La pièce, comme le film avant elle, pose de multiples questions sur le dialogue social et la mobilité sociale avec un grand réalisme.

Franck, fraîchement diplômé d’une école de commerce, revient dans sa ville d’origine pour faire un stage à l’usine où travaille son père depuis trente ans. Officiellement, il vient pour aider à la mise en place des trente-cinq heures. Dans les faits, un plan social se prépare, et le jeune stagiaire devra choisir son camp…

Le plateau est vide, une table et des chaises, qui deviendront tour à tour table de cuisine, voiture ou salle de réunion. Les enchaînements sont rapides, le rythme est tenu, les sept acteurs endossent de multiples rôles, sauf Franck. Franck le beau, le jeune qui a réussi, arrive en costume cravate dans le monde ouvrier qui l’a vu grandir. Les retrouvailles sont chaleureuses, il ne veut pas croire à la distance, va boire un coup avec ses potes devenus ouvriers à leur tour. Il est prêt à manger avec son père à la cantine de l’usine, et ne comprend pas le recul de celui-ci. Le bonheur de retrouver les repères de son enfance suspend son jugement.

La peinture du monde ouvrier est touchante : l’attachement au métier, à l’entreprise, la solidarité face au travail répétitif. La syndicaliste de la CGT est à peine caricaturée. Est-il possible d’accumuler tant de méfiance ? Le drame des licenciements à venir lui donne raison. L’écroulement de toute une vie, celle du père, est d’autant plus bouleversant que le spectateur a suivi son histoire personnelle et celle de son fils, le cas individuel illustre le coût humain du plan social. La conclusion du fils est terrible, le poids de la filiation énorme, rendant toute mobilité sociale quasi impossible à moins de s’éloigner physiquement de ses origines.

Le film a été réalisé au début des années 2000, lors du passage aux trente cinq heures. La représentation du travail à la chaîne, de même que les méthodes du patron sont un brin caricaturales et il faut espérer que le dialogue social soit un peu différent. « Ressources Humaines » n’en reste pas moins un spectacle poignant et profondément humain sur le monde ouvrier.

Emmanuelle Picard

Photo Pauline Le Goff

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