« HENRIETTE OU LA FABRIQUE DES FOLLES » : OUVREZ LA PORTE !

Lebruitduoff.com – 10 juillet 2025
VILLENEUVE EN SCENE 2025. « Henriette ou la fabrique des folles » – Cie Les Atlantes – M.E.S. Texte., Cyrille Atlan – Villeneuve en scène, joué à La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon – 22h – durée 1h15 – jusqu’au 20 juillet relâche le 14.
De la psychiatrie on parle beaucoup. Et ce spectacle en parle. À sa façon bien sûr. Comme un théâtre documentaire nécessaire. Mais pas seulement parce qu’il est éminemment poétique. Parce que le récit est beau. Fort. Si bien écrit. Si intime aussi. Et que c’est du théâtre et que la musique live de Pascal Demonsant accompagne aussi cette folie racontée, écrite, mise en scène et jouée avec justesse et une belle sincérité par Cyrille Atlan.
Cette folie est celle d’Henriette Ouzilou enfermée dans l’asile d’aliénés de Montperrin à Aix-en-Provence de 1930 à 1970. C’est son arrière grand-mère et le théâtre devient ici une « libération ». Nous, spectateurs nous sommes invités à cette « libération ».
Alors là-haut, dans la chapelle de la magnifique Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, ouverte au au vent et à la nuit, il y a ce grand cube blanc, tout en tissu. Ce théâtre de chiffons comme elle dit. Il y a ces poupées qu’elle semble fabriquer pour conjurer le temps. Il y a cette paillasse, cet abri, ce refuge. Cette prison. Il y a juste ces lumières comme de tout petits phares dans cette nuit. Dans la nuit des ombres et de la folie. Dans la nuit de sa tête à Henriette Ouzilou. Tout de suite quand on entre on a son visage. Comme une vieille femme âgée et des mots enchevêtrés comme griffonnés sur une toile peinte. Et puis les mots se disent. Parfois se crient. Ou s’apaisent. Parce que « c’est plein de cris au-dedans ». Et parfois même on se dit qu’Artaud est là quelque part dans l’ombre. L’histoire se raconte entrecoupée des commentaires médicaux retrouvés dans le dossier d’Henriette. Techniques. Laconiques. Froids parfois comme des sentences définitives. L’enfermement. Toujours l’enfermement. Et puis aussi de ces lettres des proches aux médecins. Comme de petites respirations dans la folie. De petites prières maladroites et polies. Des mains tendues. Des s’il vous plaît et des formules de politesse. Mais Henriette a été « enfournée dans un train pour l’ailleurs ». Henriette sera seule avec sa folie. Seule avec ses petites poupées de chiffon. Seule avec sa « tête pleine de pluie ». Seule et recluse pendant toutes ces années. C’est l’histoire de ça. Cette folie ordinaire. Avec des mots de travers. Des mots barrés. Barrés ailleurs. Des mots presque inventés. Des mots crus. Des mots de désordre. Des mots de folles parce qu’un diagnostic a été prononcé. Folle. Parce qu’elle est dans la fabrique des folles. Alors « il faudrait juste ouvrir la porte. Juste que la porte soit ouverte. »
Arthur Lefebvre
Photo Nathalie Ance
































