LE BRUIT DU OFF

Lebruitduoff.com – 10 juillet 2025

AVIGNON OFF 25. « Lichen » De Magali Mougel – Mise en scène Julien Kosellek – au 11 Avignon – du 5 au 24 Juillet à 16h45

« Lichen » est un texte sur commande à l’auteure Magali Mougel qui s’est immergée en résidence à la Scène Nationale Culture Commune avec les habitants du Nord-Pas-de-Calais. Mais contrairement à un théâtre de témoignage il s’agit bien là d’une écriture en pure immersion, celle qui laisse des traces profondes et durables, celle qui ressurgit du jour au lendemain et qui peut tout aussi bien créer le chaos que la beauté. Pour le coup c’est au détour d’une réunion d’information des habitants que le regard d’un homme plein de détresse quant à son avenir a croisé celui de Magali Mougel. Ce regard ne la quittera plus jusqu’à ce que, tel un exorcisme, elle parvienne à vivre avec après avoir écrit ce texte.

Il est seul avec sa fille, dans un semblant d’appartement, un véritable taudis que les politiques urbaines ont décidé de raser pour construire du plus beau et du plus neuf. Sa femme est partie depuis longtemps et c’est sous le regard de sa fille que va se dérouler cette lente descente aux enfers. Nul besoin ici de se poser la question de savoir s’ils vont s’en sortir, Magali Mougel nous fait très vite comprendre que là n’est pas le propos. Évidemment qu’ils ne vont pas pouvoir rester là, comment un homme seul avec sa fille dans un immeuble où tout le monde est parti pourrait faire face à la puissance d’une nouvelle urbanisation ? Mais s’il ne peut faire face seul il peut encore montrer à sa petite fille ce que résister veut dire. Sur scène les trois comédiennes forment en chœur ce duo père fille, chacune passant d’un rôle à l’autre, parfois donnant la réplique au travers de la petite voix qu’a chaque enfant dans sa tête. Les trois comédiennes complices se répondent l’une à l’autre, jouant tous les personnages, parfois à l’unisson. Peu de décor si ce n’est une table, deux chaises et un semblant de four décati. Le dénuement, peut être comme celui de ce père et de sa fille, le froid d’un hiver blanc et le néant d’un avenir incertain.

Un joli moment de théâtre, une déconstruction qui va permettre en définitive à cette petite fille de se reconstruire. On peut parfois sentir que la mise en scène de Julien Kosellek s’adresse à un jeune public mais rien de gênant pour qui, un peu plus âgé, voudrait découvrir cette proposition plutôt équilibrée.

Pierre Salles

Photo Romain Kossellek