LE BRUIT DU OFF

LA BELLE SCENE SAINT DENIS – 3 programmes de Danse contemporaine – Théâtre La Parenthèse, Avignon -Du 9 au 18 juillet 2025

Lorsqu’on voit la banque mobile en bois et les T-shirts noirs siglés TLA devant La parenthèse, on sait que le théâtre Louis Aragon de Tremblay en France, au fin fond du 93, comme aime à le rappeler sa directrice Emmanuelle Jouan, est de retour à Avignon avec son programme La belle scène St-Denis. Ce lieu offre dans ce festival majoritairement consacré au théâtre une visibilité pour des compagnies de danse qui sont les partenaires de cette scène conventionnée d’intérêt national art et création tout au long de l’année. 

L’excellence de sa programmation est reconnue par le Festival puisque, en même temps que La parenthèse propose un extrait de « Crawl », la chorégraphe Olga Dukhovna est l’invitée de Vive le sujet !-Tentatives, un beau signe de la pertinence des choix de cette scène du OFF et de sa directrice. 

Parenthèse d’humanité.

Ainsi, on a donc pu découvrir « Crawl« , écrit en partie avec le Bboy virtuose Uzee Rock. C’est une star de la danse Hip-Hop. Il est aussi originaire d’Ukraine comme Olga Dukhovna qui était déjà présente dans de précédentes éditions de La Belle scène St-Denis. 

Uzee Rock fait donc son entrée accroupie et ne se relèvera pas, au point que, si nous ne l’avions pas vu rentrer en scène sur ses deux jambes, on douterait de sa capacité à tenir debout, tant cette position lui semble naturelle… 

Le projet de cette nouvelle pièce est de lier la danse folklorique ukrainienne et des figures du hip-hop… et on apprécie à sa juste valeur la technique du jeu de jambes de Uzee Rock qui se déplace avec une rapidité inégalée. 

Il excelle dans les danses traditionnelles, mais il donne le change avec le hip-hop, notamment avec cette figure signature d’une posture tenue sur le seul coude…. Impressionnant…

Le rythme endiablé nous emmène loin et nous transporte dans ce pays lointain, avec une pointe d’émotion pour ce peuple ukrainien toujours en guerre…

Comment se dire adieu ?

Clémentine Maubon et Bastien Lefèvrre de la compagnie La Grive nous ont, quant à eux, présenté un extrait de « Mortal Soma », une variation entre pratiques funéraires et pratiques somatiques… 

Le duo de chorégraphes est complété par la danseuse Mathilde Bonicel lorsqu’ils font leur entrée sur scène. Costumes noirs, ils positionnent leurs corps en angle ou à plat, dessinant des figures géométriques, sorte de messages cabalistiques… 

On pense à des positions de gymnaste lorsqu’ils se rassemblent après un saut périlleux. On contemple la technique de l’embaumement, du maquillage comme de la rigidité du cadavre. La danse est bien écrite. A aucun moment une austérité ne s’installe qui ferait penser à la mort, même si on sent qu’elle n’est pas loin… Belle aventure à qui on souhaite longue vie…

Code secret

Youness Aboulakoul revient lui aussi à la parenthèse avec « Ayta » un quintette envoutant où les danseuses contractent leur torse en avant, le relâchent et avancent. Ayta est un chant populaire marocain. Ses racines remontent à l’époque du protectorat français. Ces chants sont codés. Ils permettent de transmettre des messages sans être compris par les autorités d’occupation. Un vrai moyen de résistance auquel Youness Aboulakoul adjoint une danse qui semble ne jamais s’arrêter. Liberté, dignité, fierté, ce « cri », arme culturelle et sociale, se ressent dans la composition de la pièce qui tourne sans cesse en évitant les lignes, puis, dès qu’elles se forment, se cassent… Un moment hypotonique qui présage qu’on reverra le chorégraphe sur cette scène joyeuse et engagée de La Parenthèse…

Emmanuel Serafini

Image : Mortal Soma, Cie La Grive, Photo La Belle Scène Saint-Denis / TLA