« NOUS ETIONS LA FORÊT », UNE FRESQUE MUSICALE PUISSANTE ET EMOUVANTE
AVIGNON OFF 25. « Nous étions la forêt » – Agathe Charnet – à 14h45 au Théâtre du Train Bleu – Jardins du Carmel – les 15,16 et 17 juillet 2025 (durée 1h45)..
Quoi de plus adéquat que les jardins de l’Ancien Carmel, avec leurs nombreux arbres, pour une pièce intitulée « Nous étions la forêt » ? La proposition d’Agathe Charnet se veut tout terrain et s’épanouit d’autant plus en plein air. Sa fable sur les écosystèmes forestiers est belle, originale, réfléchie et non dénuée d’humour. Chant lyrique et rap s’y croisent, de même que bobos et écolos militants. Une grande réussite, dans le fond que dans la forme.
Pauline et Antho viennent de quitter la ville pour s’installer dans une maison aux abords du bois de la Fermette et changer de rythme. Les voisins les voient arriver d’un drôle d’œil. Et puis un projet de parc solaire vient menacer le bois…
Le lieu constitue le décor même. Quelques chaises pliables viennent compléter l’ensemble, tout est léger. Pauline et Antho accueillent le public, avec le sourire béat de ceux qui se forcent à positiver. Fraichement installés, ils cherchent le calme, l’espace, le présent… même si la fibre manque cruellement pour le télétravail. Toutes les composantes de la fable écologique sont là : les néo-ruraux, les locaux, les activistes et les grands méchants capitalistes. Les rôles sont distribués autour de la forêt.
La problématique est travaillée : la fragilité de l’écosystème forestier est abordée sous l’angle de la sécheresse, des programmes d’îlots de résilience, des oiseaux, de la productivité demandée au garde forestier…
La force d’Agathe Charnet est de ne pas tomber dans la caricature et le militantisme béat. Ses personnages sont avant tout des humains, avec leurs propres failles. Pauline et son burnout, Fred et sa solitude, l’ornithologue Selma et sa colère, Nathalie et sa mémoire qui flanche, Boris le garde forestier et sa rupture amoureuse… La variété des registres utilisés permet d’introduire humour et émotion. Antho reste un personnage drôle jusqu’à la fin par ses manières urbaines exagérées. La première chanson des néo-ruraux est digne d’une comédie musicale hollywoodienne. Entendre « Les oiseaux dans la charmille», extrait de Lakmé, chanté par Selma convoque la beauté, les duos chantés émeuvent.
La chute est brutale, comme les perspectives des écosystèmes forestiers. Agathe Charnet trouve le ton juste pour aborder une problématique difficile, en s’autorisant humour et beauté, quelle que soit la gravité de la situation. Merci.
Emmanuelle Picard
Photo C. Raynaud De Lage
LE BRUIT DU OFF 