« 3 QUESTIONS A… » COLLECTIF LA PAROLE ROUGE, POUR « EMBALLAGE »

INTERVIEW. 3 questions au Collectif La Parole Rouge pour « Emballage », joué au Théâtre des Carmes.

-Le Bruit du Off : Avec « Emballage », vous réactivez un texte ancien du poète et dramaturge André Benedetto, figure iconique du Off d’Avignon dont on peut considérer qu’il en est le fondateur. Vous êtes une jeune troupe avignonnaise, quelle envie vous a-t-elle animés de donner à voir ce texte de Benedetto ? Quels en sont pour vous les enjeux, considérant la scène théâtrale avignonnaise et son histoire ?

-La Parole Rouge : Ce projet est d’abord né d’un moment de transmission : une demande de la famille d’André Benedetto, à l’occasion des 60 ans du Théâtre des Carmes. En hommage à Bertrand Hurault, qui fut une figure importante de ce théâtre, et grand-père de Marie Hurault, comédienne de notre troupe, la famille Benedetto lui a demandé de porter en scène une lecture d’un des textes de leur père. Après une longue recherche dans l’oeuvre magistrale d’André Benedetto, elle a mis la main sur « Emballage », un texte d’une actualité brûlante. Ce n’est pas une pièce-musée, c’est une charge poétique, un cri de colère contre le capitalisme, contre la dépossession des êtres humains par les logiques marchandes.
En tant que troupe de théâtre populaire basée à Avignon, monter « Emballage », c’est poser un acte fort : faire entendre à nouveau une voix qui a façonné l’histoire du théâtre ici, à Avignon. C’est aussi revendiquer une continuité : nous faisons un théâtre de lutte, un théâtre pour toutes et tous, comme Benedetto. Ce texte est une arme de sensibilisation massive, il peut circuler partout, dans les rues, les quartiers, les villages, dans des lieux désaffectés ou chargés de mémoire. C’est ça notre théâtre : un théâtre qui ne s’excuse pas d’être politique, un théâtre qui partage, qui dénonce, qui crée du lien.

– « Emballage » est une œuvre très politique, sur un texte précurseur et parfaitement emblématique de l’utopie des sixties, dont le poète André Benedetto était l’une des voix essentielles, en France, de cette époque. Qu’avez-vous à en dire maintenant, en notre année 2025 ?

En 2025, « Emballage » résonne comme un miroir tendu à notre présent : il nous parle de consommation, de marketing, de la fabrication du désir. C’est un texte à la fois poétique, critique, et profondément visionnaire. Aujourd’hui plus que jamais, l’urgence est là : écologique, sociale, démocratique et féministe.
Nous avons fait le choix d’adapter la pièce en mêlant les deux versions écrites par l’auteur, celle de 1970 et celle de 2009, pour faire entendre la continuité et l’évolution de sa pensée. Ce montage nous a permis de créer une œuvre fluide, éminemment actuelle, qui garde l’âme, les mots, la densité du texte original, tout en y insufflant nos propres combats : notamment la lutte pour l’égalité des sexes, que nous avons tissée au cœur de la dramaturgie.
« Emballage » n’appartient pas au passé. Il éclaire notre époque, il donne des outils pour comprendre, pour penser, pour résister. Il vulgarise, dans le plus beau sens du terme, des questions complexes. C’est une poésie de combat. Et en 2025, nous en avons terriblement besoin.

-Le Off est devenu un immense marché capitalistique, à l’exact opposé de ce qu’avait rêvé Benedetto, un contre-courant alternatif au théâtre qu’il jugeait « bourgeois » et « élitaire » du IN. Que pensez-vous de cette « évolution » de ce Off qui s’est muté en super foire au fric et aux opportunismes ? Et comment vous positionnez-vous -politiquement ou simplement en tant qu’artistes- face à ce constat accablant ? Êtes-vous déçus, en colère… ?

Oui, nous sommes en colère. Le Off d’aujourd’hui s’éloigne profondément de l’élan qui l’a fait naître : un théâtre libre, populaire, poétique et politique, un théâtre de rupture avec les logiques bourgeoises du Festival IN. Ce que l’on voit maintenant, c’est une foire où l’accès est conditionné par l’argent, par les réseaux, par la communication. Un système qui met en concurrence des compagnies déjà fragilisées, qui pousse à l’épuisement et à l’auto-exploitation.
Et pourtant, paradoxalement, nous devons y être. Car si on veut continuer d’exister dans ce paysage, si on veut faire entendre d’autres voix que celles calibrées pour séduire les acheteurs ou les diffuseurs, il faut y aller. Même si les subventions fondent et que les coûts explosent. C’est une injonction contradictoire à laquelle nous faisons face : jouer pour survivre, jouer pour résister. Et ne jamais perdre notre boussole artistique et politique.
C’est pour cela que nous défendons un théâtre de terrain, un théâtre qui ne cherche pas à plaire mais à provoquer, à éveiller. Un théâtre qui peut se faire partout : dans les jardins, sur les places, dans un local syndical ou une école.

Propos recueillis par Marc Roudier

Photo : Marie Hurault et Salvatore Franco dans « Emballage », Avignon Off 2025 / DR

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