UN LIEU DU OFF : LES JARDINS DU CARMEL

Posted by redaction on 25 juillet 2025 · Laissez un commentaire

INTERVIEW de la « Respelid' », qui gère les Jardins du Carmel. Un lieu du Off qui accueille cette année entre autres, trois spectacles du Train Bleu (avec trois scènes) + le mois Molière de la ville de Versailles.

-Le BDO : Ce lieu a été ouvert en 2022, pouvez-vous nous parler d’abord de l’association qui gère
les Jardins du Carmel ?

-La Respelid’ : Il est compliqué d’acheter des biens d’église et ici, l’association est avant tout exploitant du lieu, elle n’est pas propriétaire. Le propriétaire est la foncière Oykos. Le but de notre association est de garder un caractère social et intergénérationnel à ces lieux et faire perdurer ces biens en leur offrant une nouvelle destination, dans la continuité des valeurs et de l’esprit initial et dans un équilibre économique viable pour prendre soin de ces lieux et des résidents.

– Quel est le modèle économique ?

– L’association reverse un loyer à la foncière chaque année. Nos revenus proviennent des banques solidaires ou de dons, nous organisons aussi des évènements ou des moments plus récurrents comme chaque samedi matin où il y a des visites qui sont programmées… Il y a déjà eu une centaine qui ont été faites où viennent beaucoup de voisins et des gens qui ont le souhait de découvrir ce lieu. Le samedi matin on peut aussi venir pour aider au potager de 1000 m² qui nécessite du monde. Nous organisons aussi des moments festifs tels que le bal de printemps et aussi en septembre le festival « c’est pas du luxe », sous la forme d’une biennale. Mais le projet du lieu et aussi son modèle économique reposent sur le fait qu’au mois de juillet le lieu s’ouvre pour accueillir des compagnies avec un coût moindre pour les structures et ainsi proposer un accueil plus accessible financièrement, dans les lieux classiques du festival. En juillet, le lieu se transforme donc, beaucoup de résidents restent, une petite partie libère leurs chambres, surtout des étudiants, les familles bien entendu restent là. Les compagnies bénéficient aussi de l’hôtellerie qui fonctionne toute l’année.

– Comment choisissez-vous les compagnies qui logent ici ?

– On accueille deux programmateurs et le Train Bleu programme leurs spectacles hors les murs en extérieur dans le jardin avec une scène de 120 places et 2 autres avec une jauge plus réduite. Leurs spectacles sont presque tous complets, c’est la deuxième année qu’on accueille le Train Bleu. Nous accueillons aussi la ville de Versailles avec le festival le mois Molière, c’est leur deuxième saison à Avignon. On les a appelés pour leur proposer une programmation dans la chapelle d’une jauge de 95 places.

– Vous n’accueillez pas particulièrement des compagnies en difficulté, le but est bien de consolider le modèle économique ?

– Oui, cependant les prix des créneaux sont bien inférieurs à ceux pratiqués par d’autres lieux. C’est aussi un lieu de vie qu’on propose aux compagnies parce qu’ils ont leur loge ici, et il y a tout un
espace qui leur est réservé, qui est très grand et c’est un luxe en fait pour un Off d’Avignon. Du coup c’est aussi avec ces espaces et le jardin un lieu très ressourçant, comme nous le disent beaucoup de compagnies hébergées. Ici c’est un peu une petite bulle, il fait en général un peu plus frais qu’ailleurs dans la ville parce qu’on dispose d’un hectare de parc.

– Comment se passe l’accueil des résidents, peuvent-ils rester autant qu’ils le souhaitent ?

– C’est une bonne question, ce lieu a une charte de vie, donc pour entrer ici, il faut d’abord prendre connaissance de cette charte et y adhérer. Cela peut ne pas convenir à tout le monde, c’est
une charte d’habitat partagée avec des règles de vie, du service, des temps, il y a par exemple un repas commun par semaine qui est partagé avec un conseil de maison, avant le dîner qui permet de balayer, enfin de répartir les services, de faire remonter les points qui peuvent devenir irritants, discuter des problèmes, voilà c’est une petite communauté… Il y a 2 familles qui disposent d’un logement et qui ont un statut un peu plus stable dans la vie, des étudiants et les jeunes professionnels qui ont par nature un statut qui peut changer, un changement de travail, il peut donc y avoir des arrivées et des départs pour ces jeunes. Après les lieux pour les familles ne sont pas extensibles puisqu’ils ont leurs espaces à part avec une cuisine séparée, actuellement il y en a trois pour les familles, et puis le Carmel va se transformer peu à peu, l’idée c’est aussi d’accueillir une colocation des personnes âgées, mais ça nécessite des travaux au niveau accessibilité. Pour le moment on est en attente d’autorisation pour faire des travaux sur le
bâtiment car c’est impossible de faire n’importe quoi dans un monument historique, sans l’accord de l’architecte des bâtiments de France qui veille au grain, mais on est en étroite relation avec lui.

– Comment faites-vous pour financer ce type de travaux ?

– Par des appels aux dons, le projet d’habitat partagé comme nouvelle forme de lien social, intéresse de plus en plus, il y a beaucoup de gens qui viennent visiter, et qui se renseignent sur ces nouveaux modes de vie. Il y en a d’autres lieux tels que celui-ci dans la région, par exemple l’association Lazare, qui propose des lieux de vie transitoires pour des personnes issues de la rue, et qui vont cohabiter avec des étudiants et jeunes professionnels, et qui s’installent dans des espaces temporairement disponibles. Pour faire simple, un promoteur achète un bâtiment, qui peut déjà servir d’habitat avant que les travaux commencent, et donc du coup l’association bénéficie d’un loyer pour occuper des lieux, en prendre soin, en l’état, sans travaux, et donc il y a des collocations qui se créent entre des personnes de la rue, et des gens, étudiants, jeunes professionnels, qui sont contents de pouvoir bénéficier d’un logement. Enfin pour nous, d’ici 18 mois, nous espérons pouvoir accueillir 6 seniors, un peu sur le modèle des béguinages, ils auront leur espace, mais bien sûr utiliserons les espaces communs, comme le réfectoire, une grande cuisine partagée, l’idée étant qu’il y ait un maximum d’interactions, au jardin, dans les espaces communs.

– Est-ce que vous allez étendre votre partenariat durant le festival ?

– Non, cela nous convient, le Train Bleu dispose de trois espaces de jeux en extérieur et il y a la grande salle mais il ne faut pas oublier que c’est avant tout un lieu de vie et qu’on n’a pas vocation à accueillir plus de monde, mais il vrai que c’est seulement notre deuxième année, des ajustements pourront se faire plus tard. On a par exemple accueilli les soirées du IN, les cinq soirées de première du IN, parce qu’on venait juste d’ouvrir et on n’avait pas du tout le temps d’organiser par nous-même et ça a été très positif parce que ça a fait venir beaucoup de professionnels. Il ne faut pas oublier que la gestion de ce lieu repose beaucoup sur des bénévoles.

– Tous les gens qui font la restauration sont bénévoles ?

– Non, l’année dernière, tout le monde était bénévole, mais cette année, on a professionnalisé le food truck mais tout le service et l’accueil public sont animés par des bénévoles qui partagent le projet d’habitat, qui sont sensibles aux valeurs du projet et qui nous rejoignent pour un mois. Les services tournent, chacun fait au mieux, on ouvre à 9h15, on ferme à minuit et demi et on a un service continu à la buvette, donc il y a de quoi faire : tout ce qui est vendu à la buvette est fait ici, dans nos cuisines par les bénévoles. Beaucoup de jeunes bénévoles sont des gens d’Avignon de l’école Jacques Lecoq, une école de théâtre qui a ouvert il y a quelques années. Ces jeunes sont souvent résidents à l’année qui deviennent ensuite bénévoles car ils apprécient ce modèle de partage.

Propos recueillis par Pierre Salles