OFF 2025 : UN BILAN AU DOUBLE VISAGE

Lebruitduoff.com – 26 juillet 2025

AVIGNON OFF 2025 – UN BILAN AU DOUBLE VISAGE

Cette année encore, beaucoup de rencontres artistiques, belles ou moins belles, dans ce festival Off 25 superlatif et foisonnant, mais aussi, hélas, de plus en plus bordélique.

A quand les deux mille puis trois mille spectacles ? Les murs n’étant pas extensibles, c’est hélas de plus en plus hors les murs que les théâtres fleurissent un peu partout, comme les « succursales » des grandes enseignes de l’intra-muros, qui n’hésitent plus à franchir le pas de l’extra-muros. Avec plus ou moins de bonheur…

N’importe quelle salle de classe, bureau, terrain de foot ne peut pas forcément se prêter à ce jeu du théâtre éphémère, la plupart du temps dans des conditions d’accueil du public de plus en plus douteuses.

Il fut une époque où seulement quelques « théâtres » -qu’on ose appeler ainsi -s’improvisaient comme tels durant un mois, transformant garage ou restaurant intra-muros en salle de spectacle… Mais désormais, l’appétit venant, nous passons à une autre échelle, même les théâtres les plus réputés du Off cherchent de nouveaux lieux, pour encore et encore plus de nouveaux créneaux à vendre ..

A quoi bon ? Nous, public, presse, programmateurs devons appeler à boycotter ces aberrations. En quoi cela aide-t-il la création que de donner autant de spectacles dans des théâtres qui n’en sont pas ? Pour toujours plus de propositions, au détriment de la qualité ? Et surtout pour beaucoup plus de fric dans la poche de certains…

Le rêve avignonnais à tout prix ? Sans compter d’autres festivals qui se greffent de plus en plus dans les communes alentours… Et que fait AF&C, sûrement pas son rôle de régulateur, encore moins de vérificateur de la conformité avec la loi des lieux dédiés (confer le scandale du « Au Palace » l’an passé, celui du « Paradise République » cette année). Quant à vous, chères salles de renom, dont la réputation jusqu’à présent est restée sans tache, ne cautionnez pas cette expansion à l’infini. Il en va du devenir de ce festival, donc du vôtre…

Pour revenir à une note plus positive, parlons de l’artistique : cette année un certain nombre de propositions du Off a semble t-il tiré le festival d’Avignon tout entier par le haut, le « IN », dans son édition 2025, étant largement en dessous du niveau auquel on l’attendait, et c’est un euphémisme… Rarement convaincant, plutôt timoré dans ses propositions, le 79e Festival d’Avignon, le « In » donc, n’a affiché qu’une poignée de grands spectacles, vraiment dignes de l’appellation. Hormis quelques remarquables opus de Théâtre, – comme le puissant  « le Soulier de Satin », le magnifique « Les Incrédules », la très belle « Distance » – c’est dans la Danse que furent données les révélations cette année : ainsi de « Delirious night« , de « Derniers feux« , de « RINSE » et d’autres encore, de très haut niveau… Il faut d’ailleurs remarquer que cette 79e édition a vu se planter de grands noms comme Ostermeier, pas en grande forme, ou Marthaler, au plus bas, pour ne citer qu’eux pour le Théâtre, comme dans la Danse les deux grandes figures que sont De Keersmaeker et Marlene Monteiro Freitas se sont viandées elles aussi, et pas n’importe où ! A la Carrière Boulbon pour l’une, dans la Cour d’honneur pour l’autre… Comme quoi, ni la tête d’affiche ni le prestige du lieu d’accueil ne garantissent la réussite.

A noter aussi que l’hommage qui devait être fait à la langue arabe a été plutôt discret , c’est le moins qu’on puisse dire, au grand dam du public et de la presse. Et des artistes du IN, peut-être aussi ?

En revanche, le Off cette année nous a offert de véritables moments d’intensité et d’émotion qui ont su remplir les salles avec des propositions parfois pointues. Comment ne pas évoquer cette programmation contemporaine et ambitieuse au théâtre Transversal qui a reçu encore une fois un accueil enthousiaste du public, les quelques 10 créneaux sur 14 jouant complets. Le 11 – Avignon, quant à lui a offert une très belle programmation avec plusieurs spectacles dans notre Top 20 final, dont « Happy Apocalypse » mémorable par sa scéno et son niveau de qualité et d’exigence, bien  supérieur à certains spectacles du IN, comme ce lamentable « Les Perses » de Gwenaël Morin pour ne pas le citer ou les poussifs Tanguy qui sentaient bon la lavande provençale.

Toujours en ce qui concerne le Off donc, ces très bons spectacles qui nous ont réconfortés nous ont insufflé un regain d’optimisme quant à l’avenir artistique de ce festival. Nous n’allons pas faire d’inventaire à la Prévert des lieux ayant contribué cette année à ce frémissement. Force est de constater cependant que nous retrouvons toutes les bonnes salles d’Avignon dans notre « Top 20 », avec une légère baisse de régime pour la Manufacture qui n’a pas su complètement nous convaincre cette année.

Nous avons de plus en plus l’impression que le Off se scinde maintenant en 4 groupes très distincts : les théâtres de grande qualité, proposant un vrai travail de sélection et une véritable programmation, dûment réfléchie, cohérente, avec de réelles ambitions artistiques. Ceux-là ne sont qu’une poignée, mais à eux seuls éclairent le festival. Viennent ensuite les succursales du théâtre privé parisien « moliérisable » qui, non sans professionnalisme, présentent cependant des trucs attendus, formatés, lisses, du prêt à porter théâtral que l’on peut voir toute l’année dans les salles de la capitale. De plus en plus présents au fil des éditions, elles sont caractéristiques de la dérive mercantiliste du festival. Un troisième groupe est celui du « tout-venant », sans réelle identité -une grande partie des 140 lieux du Off 2025 sont à classer dans cette catégorie fourre-tout-, chez lesquels la pertinence est plus que fluctuante, sans volonté claire d’une quelconque ligne artistique… Ceux-là sont nombreux, trop. Enfin, le 4e groupe, est celui des misérables « bouis-bouis », antichambres de l’enfer théâtral, qui prolifèrent sans entrave.

Voici donc un bilan du Off 2025 en demi-teinte, et à double tranchant : artistiquement cette année, de grands moments ont éclos. A contrario, toujours le versant noir du Off, qui s’aggrave d’année en année : l’expansion hors de contrôle des propositions, la médiocrité de 90 % d’entre elles, et un appétit capitalistique vorace, qui dénature totalement la belle idée d’André Benedetto qui présidait à la création du Off en 1967 : une alternative créative et foisonnante au « In », découvreuse et rebelle, surtout non commerciale et libre de toute soumission au capital. On en est loin…

Voilà. On vous souhaite un très bel été, avec nos remerciements à toutes les compagnies, aux théâtres,
aux professionnels et au public bien sûr qui nous ont suivis nombreux et fidèles, cette année encore. Et vivement l’édition 2026 !

Pierre Salles, avec la rédaction

Image : « Emballage », du collectif La Parole Rouge sur un texte d’André Benedetto, donné au Théâtre des Carmes en juillet 2025. Photo Jérôme Rey

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