TRAGEDIE : LA DANSE MYTHOLOGIQUE D’OLIVIER DUBOIS

FESTIVAL D’AVIGNON 2012 : « Tragédie » / Olivier Dubois / Cloître des Carmes jusqu’au 27 juillet 2012.

Olivier Dubois avec cette nouvelle oeuvre créée pour le 66e Festival d’Avignon a cherché à dégager deux pulsions artistiques bien distinctes, qui entrent en résonance avec la psychologie. A l’instar de Nietzsche, Olivier Dubois interroge d’un côté le rêve, pulsion proprement apollinienne et de l’autre l’ivresse, pulsion dionysiaque.

Apollon, c’est la contemplation sereine du rêveur. Le dieu de l’individualité, de la mesure, de la conscience. Dionysos lui, incarne le principe contraire et nie toute forme d’individualité. Il célèbre, sauvagement, avec sa malléabilité extraordinaire, la réconciliation de l’homme avec la nature, s’oubliant à l’intérieur du tout cosmique, n’existant plus dans son état individuel.

Ces deux figures, Olivier Dubois s’en est servies comme fil conducteur, il les a distinguées en leur attribuant chacune un temps propre. Tout d’abord, l’on assiste à la démarche apollinienne des corps nus. Des plastiques qui ne se regardent pas, ne se touchent pas. Au plateau il n’y a alors que des individus, des subjectivés. Les regards sont au loin, perdus à l’intérieur d’une conscience malheureuse, repliée sur elle-même.

Ces états isolés vont aboutir naturellement à la folie narcissique. Les gestes présents dans ce temps transitionnel sont traversés par des tics, des mouvements de type autistique. Chaque danseur effectue son propre rituel, témoin d’un enfermement intérieur, prisonnier de son propre corps. Le temps suivant correspond à l’émancipation de ces corps engourdis par l’isolement. Ils vont s’orienter vers la communion, animés par l’ivresse dionysiaque. Union sublime, vitale avec la nature, mais toujours désespérée car l’homme ne peut plus retrouver en elle ce qu’il a perdu.

Le tragique, c’est cette quête désespérée d’un état à jamais révolu. Ainsi s’achève cette danse avec la seule présence du regard pétrifiant d’une danseuse en chair. Lorsqu’enfin le spectateur parvient à saisir un seul des protagonistes de cette tragédie, il est comme le roi Midas demandant au compagnon de Dionysos ce que l’homme peut souhaiter de meilleur et de plus profitable. Immobile, le démon se tait puis il profère, accompagné d’un rire strident : « Misérable race des hommes, enfants du hasard et de la peine ! Pourquoi veux-tu entendre ce qui ne te profitera guère ? Ce bien suprême sache que tu ne peux l’atteindre : c’est de n’être pas né, de n’être pas, de n’être rien. Mais le bien qui vient ensuite n’est pas hors de ta portée : c’est de mourir bientôt ».

Celui qui aurait fait une lecture nietzschéenne de « Tragédie » peux regretter la dichotomie nettement marquée du temps apollinien d’avec le temps dionysiaque. En effet la tragédie se situe non pas dans la distinction de ces deux pulsions, mais bien dans leur union. Dès lors le spectateur en quête de tragédie pourrait sans doute espérer voir cette lutte infernale se dérouler sous ses yeux. Appréhender la naissance d’une œuvre d’art, enfantée dans cette lutte des contraires.

Quentin Margne

Article publié en partenariat avec INFERNO-MAGAZINE

Photos : Copyright C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon 2012

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