« LE MONTESPAN », UN RECIT HISTORIQUE DRÔLE, MENE TAMBOUR BATTANT
lebruitduoff.com – 17 juillet 2022
AVIGNON OFF 2022. Le Montespan – de Jean Teulé – mise en scène Etienne Launay – à la Condition des Soies du 7 au 30 juillet 2022 à 16h (durée 1h30), relâches les 11, 18 et 25 juillet.
Le Montespan, « histoire du plus célèbre cocu de France ». La pièce a déjà connu un grand succès au Théâtre de la Huchette à Paris et valu un Molière de la révélation féminine à Salomé de Villiers. Elle triomphe à Avignon à la Condition des Soies, avant d’être reprise à la rentrée à Paris au Théâtre du Gymnase. Autant le dire d’emblée, le registre est populaire. La pièce adaptée du roman de Jean Teulé se distingue surtout par le rythme effréné de sa mise en scène et l’excellence du jeu des acteurs. Le parti pris est résolument comique, avec un Michaël Hirsch hilarant. L’efficacité de l’ensemble est remarquable et en fait un bon divertissement.
Françoise, marquise de Mortemart et Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, jeunes mariés, se couvrent de dettes en jouant dans les salons du Marais. Le marquis cherche en vain à redorer son blason à la guerre. Quand l’occasion se présente pour Françoise d’entrer au service de la Reine en tant que dame de Compagnie, charge grassement rémunérée, le couple n’hésite pas. C’était sans compter sur les faveurs appuyées du Roi qui enchainent Françoise, rebaptisée Athénaïs dans la mode précieuse, à la Cour…
Qui dit récit historique sous Louis XIV dit perruques, visages poudrés et grands habits. Côté décor, un tissu orné d’un théâtral royal stylisé permet de projeter toutes les ambiances : guerre, église, carrosse… Le dispositif est esthétique et efficace. Ils sont trois sur scène à incarner tous les personnages. Entrées et sorties rapides, le rythme est assurément la clé de la maîtrise de cette fresque historique. Michaël Hirsch, plus connu pour ses spectacles d’humoriste (Je pionce donc je suis à Avignon cette année), est un véritable caméléon qui campe en quelques mimiques un prêtre, un maréchal des logis ou une prostituée. Le rire s’invite partout. Ses compagnons ne sont pas en reste : Salomé de Villiers sait passer de La Montespan à la cuisinière en un tour de dos, tandis que Simon Larvaron interprète un marquis de Montespan grave et touchant.
Le cœur du propos reste graveleux : il est après tout question des infidélités du Roi. Le ton se fait volontiers truculent dans un carrosse ou lors d’une nuit d’ivresse. Au-delà du premier degré, le mécanisme de cour autour de Louis XIV est saisissant : les faveurs du Roi valent au père de la marquise de Montespan une coquette somme d’argent, tout le monde enjoint le marquis de ne rien dire et de profiter de la situation, Molière écrit Amphitryon pour faire accepter la situation. L’évolution de Françoise-Athénaïs dans les manigances de cour, avec l’affaire des poisons et les messes noires où sont sacrifiés des enfants, est terrifiante. Les dessous de la Monarchie de Louis XIV ne sont pas beaux à voir. Dans toutes ces mondanités, la bravoure de Montespan touche et fait sourire. Il assume ses cornes qu’il porte haut sur son carrosse comme il porte le deuil de son épouse. En véritable gascon, il enchaine les bravades pour reconquérir sa femme, « époux séparé qui reste inséparable ».
« Le Montespan » est un beau récit historique mené sur un rythme d’enfer par de très bons comédiens qui n’oublient jamais de faire rire.
Emmanuelle Picard
Photo Cédric Wasnier