Rhinocéros : De la corne et du cuir

NOTRE CHOIX dans le Off : Alain Timar / RHINOCEROS – Théâtre des Halles /11h00

Alain Timar, directeur du théâtre des Halles, propose cette année à Avignon une mise en scène profondément moderne de Rhinocéros, oeuvre d’Eugène Ionesco, montée en 59 au Schauspielhaus de Düsseldorf. Cette pièce est en co-production Théâtre des Halles et Seoul Performing Arts Festival, pour lequel il était invité. Alain Timar s’est entouré d’acteurs coréens (la pièce est en Coréen surtitré) et d’un musicien, percussionniste qui joue live.

Rhinocéros s’articule autour de trois actes. Au sein d’une société moderne, les personnages découvrent, avec effroi, la présence en ville de Rhinocéros. Passé le stade de la peur et des doutes, voire d’une modeste résistance, tous vont petit à petit être frappés de « Rhinocérite », étrange maladie qui les transforme en rhinocéros. Seul un homme va résister à l’implacable transformation, et finir seul, debout, dernier rempart de l’humanisme face à la barbarie.

Fantastique idée d’Alain Timar que de nous présenter cette pièce en Coréen, donnant ainsi un coup de fouet sacrément moderne à cette oeuvre maîtresse du Théâtre de l’Absurde. Leitmotiv de ce festival, que de nous parler d’humanisme, de barbarie et de résistance : La crise, les abus et l’indécence de géants décomplexés y sont sûrement pour beaucoup… Replacer cette pièce dans un cadre « asiatique » et libéral apporte un ton nouveau, un souffle de postmodernité qui sied bien à Ionesco et à notre temps. La mise en scène, claire, précise, laisse néanmoins toute la place nécessaire à l’absurde. Le jeu des acteurs, d’une incroyable expressivité, nous fait oublier souvent la barrière de la langue qui, pour le cas, n’en est pas une, bien au contraire. Enfin, La présence sur scène du musicien coréen Young Suk Choi ajoute à l’esthétique étrange de l’ensemble, suggérant cette ambiance énivrante et poétique qui transfigure l’oeuvre.

Ici, pas de transformation démonstrative, mais une lente descente en abîme de l’Humanisme des protagonistes, laissant place à la simple bestialité primaire, omniprésente dans cette ère de « mondialisation » effrénée, dans laquelle le monde se transforme sous nos yeux en une grande surface sans âme et sans états-d’âme…

Alain Timar, par un jeu de miroirs, nous renvoie toujours plus précisément, au fil de la pièce, à nos propres images, nous permettant de nous replacer dans cet étrange Lego… Sommes-nous, nous aussi, frappés de « Rhinocérite » ? Sommes-nous résistants ? Et jusqu’à quel point ? Pour quels motifs ? Timar ne montre pas du doigt, mais il nous propose un éclairage saisissant sur nos propres contradictions, et sur ces petits riens qui nous font Homme ou nous font Bête, quelles que soient les époques.

Pierre Salles (article publié en juillet 2010)

Photo Manuel Pascual

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