FESTIVAL D’AVIGNON : W/GB84, L’ANGLETERRE DE MADAME THATCHER
FESTIVAL D’AVIGNON : W/GB 84 / D’après David Peace et Georg Büchner / Au Tinel de la Chartreuse de Villeneuve dans le cadre du 66e Festival d’Avignon / Du 10 au 18 juillet 2012 à 18h.
Avec ce W/B84 donné au Tinel de la Chartreuse jusqu’au 18 juillet, Jean-François Matignon construit un opus couillu autour de deux textes emblématiques de David Peace et Georg Büchner. La terreur, la guerre sociale, la violence faite au peuple prolétaire sont au coeur du Quartet du Yorkshire de Peace et de Woyzeck, l’oeuvre superbe de Büchner. Mais c’est un événement qui aura fait date dans l’histoire des luttes syndicales, la grande grève des mineurs en plein dans les années Thatcher, qui cristallise le récit de W/GB84 autour de cette « putain de troisième guerre mondiale ». Un tournant dans l’histoire qui constitue le puissant détonateur d’une pièce violemment engagée.
La violence, elle est partout dans W/GB84, mais surtout dans l’extrême férocité avec laquelle les politiques et le pouvoir thatchérien tentent d’écraser les irréductibles, une répression sans états d’âme que la Dame de fer ordonne sans sourciller. Jean-François Matignon tire de ce drame une construction narrative éclatée, aux accents poétiques évidents. Une poésie brute, brutaliste même, qui embrase toute l’oeuvre et lui insuffle une dimension de tragédie moderne. Le choix du texte de Peace est évidemment essentiel, qui porte en lui toute cette puissance dramatique, tout comme la violence du Woyseck, dont Matignon émaille sa pièce de références et de citations, et qui inséminent à ce W/GB84 une dureté noire.
Comme à son habitude, le metteur en scène construit une dramaturgie caractéristique de son travail, entremêlant récits et personnages, alternant scènes âpres et rock et tableaux visuels. Le travail de la bande son est essentiel, tout comme la scéno -ici un dispositif multi-usage qui occupe toute la moitié du plateau- la vidéo et la création lumière, dans laquelle bien sûr on reconnaît inévitablement la « patte » Matignon.
Au plateau, une troupe de jeunes et de moins jeunes comédiens porte l’oeuvre avec une grande énergie. Une Madame Thatcher hallucinée et hallucinante ouvre et conclut d’ailleurs ce W/GB84 avec justesse, non sans drôlerie. Enfin Sophie Vaude est comme toujours excellente dans son rôle de flingueur désabusé.
W.GB84 est une oeuvre violente et forte, dont la charge politique est souvent dévastatrice. Une pièce complexe, qui ouvre un champ d’interrogations fertile et dense, dont l’impact est indiscutable.
Marc Roudier
Article publié en partenariat avec INFERNO MAGAZINE
Visuels : W/GB84 / Copyright JF Matignon/Cie Fraction 2012 et Festival d’Avignon / Photo C. Renaud De Lage