UN « VOL » ESTHETIQUE A LA LUNA
http://www.lebruitduoff.com / 27 juillet 2012
AVIGNON OFF 2012 : Le vol / Théatre de luna / Compagnie de la Porte au Trèfle. jusqu’au 28 juillet.
L’on quitte pendant prés d’une heure la terre ferme, pour être ballotté par trois jeunes acteurs dans les airs. Point de départ, Buenos-Aires, avec ce vol pour rejoindre Paris, où un homme quitte la dictature avec cette nécessité de fuir ce pays dévasté où sa femme a été arrêtée par les autorités.
Le ciel qu’ouvre chaque acteur n’est ni lourd ni pesant, il s’élève toujours de plus en plus, explorant l’infini lyrisme du texte de Sonia Nemirovsky. Avec cette poésie, la pièce est traversée par une tension un peu déroutante, entre d’un côté une histoire politique particulièrement sombre, celle de la dictature militaire qui a sévi de 1976 à 1983 en Argentine et de l’autre la poésie de ces trois jeunes acteurs.
Tout ce que le spectateur voit et entend lui paraît avant tout très esthétique, à commencer par les acteurs. Avec cette opulence de beauté, l’on à du mal à saisir la véritable souffrance qu’occasionne ce vol, qui aura arraché dans la douleur tant de choses aux protagonistes : leur jeunesse, leur premier amour, l’insouciance, et enfin leur pays.
L’émotion est au rendez-vous, assurément, elle ne cesse de hanter les acteurs et le plateau, exprimée en arrière-scène par les calligraphies de Pierre Constantin. Celles-ci représentent des êtres disloqués, tiraillés par la main de leur plasticien. Des êtres calligraphiés témoins de cette résistance éternelle entre la matière et l’idée.
Les acteurs eux ont une plastique parfaite. Trop, peut-être. Leur beauté est un écran, le spectateur ne saisit pas forcément tous les enjeux de souffrance. Et celle-ci en effet a du mal à imprimer leurs corps de son caractère brûlant. L’idée de souffrance, ce mal si profond qui recroqueville les êtres en deux, puis en quatre, jusqu’à la présence insupportable du corps, ne trouve pas ici de résistance avec ces plastiques idéales.
L’insupportable glisse sur eux comme l’eau sur les plumes d’un canard, n’offrant au spectateur que du très supportable. La faute sans doute au trop grand lyrisme du texte et à son aspect frictionnel. Au final ce couple dessert plutôt que ne sert les acteurs, laissant de cette manière le public en suspens. Ce dernier aurait sans doute aimé voir un peu plus de lien avec une réalité historique terrible, pour mieux en saisir la violence et le contexte dans lequel s’inscrit cette pièce.
Quentin Margne
Merci pour ce beau moment, intense, tendre, agressif, incisif, très beau texte, interprétation magnifique, bref, une heure qui compte…
Bon vent à vous.