FOCUS SUR LE FESTIVAL VILLENEUVE EN SCENE
LE BRUIT DU OFF / 26 juillet
Villeneuve lez Avignon, festival de Villeneuve en scène jusqu’au 23 juillet.
À Avignon il y a trois festivals : le In, le Off et Villeneuve-en-Scène. S’il est vrai qu’il faut traverser le pont, changer de département et de région pour s’y rendre (20 minutes à pied, 8 en bus), c’est dans un autre monde, une autre ambiance que nous plonge ce festival de Villeneuve-les-Avignon. Dédié principalement aux arts sous chapiteaux, de la rue ou déambulatoire (le sous-titre du festival est bien « Théâtre en itinérance »), Frédéric Poty son directeur accueille aussi des spectacles de salle, tant que ceux-ci peuvent prendre à leur compte l’expression de Vaclav Havel (le parrain du lieu) « le théâtre est un foyer de la communauté humaine ».
Pas moins de 20 spectacles s’enchaînent et se bousculent du 3 au 23 Juillet. Certains pour toute la durée du festival, d’autres avec des relâches, d’autres encore ne viennent que pour quelques jours. Le spectateur doit donc être très attentif à ce qu’il compte voir le jour où il vient, d’autant plus que la majeure partie des spectacles sont dépendant du temps… Petit tour des propositions.
– « Une petite flamme dans la nuit » – Goldmund Théâtre de la Bouche
Un grand jeu de l’oie est posé au sol, avec quelques accessoires. Dans un costume aux inspirations orientales, le conteur est aussi le maître du jeu qui allume sa lanterne à chaque début de conte et l’éteint quand celui-ci s’achève. Les mots du livre sacré ont disparu, les gens nés un lundi doivent porter un rat accroché dans le dos, le Suprême perd toute l’obéissance de ses sujets… Les enfants jouent au jeu de l’oie et à chaque coup de dé, une nouvelle histoire. Heureusement, ce jour-là, nous avions quatre enfants prêts à jouer. Heureusement, ce jour-là, nous n’en avions que quatre, cela a évité toute bataille… Éric de Dadelsen est d’une immense tendresse avec les minots les plus timides, relativement autoritaire avec ceux qui pourraient se lâcher bref, il maîtrise l’écoute de son public et particulièrement du plus jeune. Le jeu et son résultat n’est pas déterminant dans le choix ou l’évolution des histoires. Si le jeu avait une réelle influence sur le conte, ce spectacle deviendrait vraiment interactif et prendrait une dose de mystère qui le rendrait encore plus captivant. Jamais un coup de dé ne transformera l’histoire.
– « Entre ciel et terre » – Compagnie Doré
La pièce commence par un vacarme. Ça s’effondre dans un coin du théâtre. C’est encore le clown Jam qui a fait des siennes. Même si, en dehors du chapiteau, les oies cacardent, c’est bien Jam qui concentrera toutes les attentions : par son jeu, par sa tenue et surtout par sa gestuelle, très chorégraphique et qui apporte à ce spectacle sa plus belle part d’imaginaire. On est dans un ailleurs, peuplé de mythes grecs et de résidus de chantiers, peuplé de l’immatériel commun et du concret de la vie. Laurence Dubard interprète Jam tout en mimiques, dans une vision très classique du clown et ces mimiques fascinent : elles provoquent à la fois attirance et répulsion et font de ce personnage un monstre d’humour et de poésie. Entre deux évocations mythologiques, Jam se fait penseur politique : « Les grecs anciens, eux, ils accomplissaient leurs tâches, on pouvait compter sur eux. Ce n’est pas comme maintenant…» Il est suffisamment rare qu’un clown soit ouvertement politique (l’inverse est beaucoup plus courant) pour signaler cette particularité d’Entre ciel et terre qui travaille à la fois sur le matériel (la boule, le tuyau, la planche) et l’immatériel (l’histoire, la politique).
– « Soie » – Le Tryptik Théâtre
La nouvelle d’Alessandro Barrico est portée par le comédien-conteur Vincent Leenhardt et scénographiée par Denis Lanoy. Le spectacle est à la fois une fable transmise dans la la plus grande simplicité et mise en images dans une belle complexité. Un double espace crée par un tulle permet de localiser l’action et les déplacements d’Hervé Joncour entre son Gard natal et le Japon où il va acheter des vers à soie. Tous les autres personnages sont représentés par des mannequins magnifiques qui viennent matérialiser sur la scène -superbement éclairée par Philippe Catalano- tous les fantasmes que provoque l’écriture fluide de Barrico.
– « Ce soir, on improvise » – La compagnie Provisosire
Pirandello, comme Brecht ou Beckett ont totalement renouvelé la vision et la façon de concevoir le théâtre au XXe siècle. Grand bien leur soit rendu, ils sont entrés dans les livres d’histoire. Est-il encore utile de les représenter alors que nombres d’auteurs contemporains vont aujourd’hui beaucoup plus loin, plus haut, plus fort ? A cheval entre jeu et improvisation réelle ou feinte, le spectacle joue sur les codes de la théâtralité et du réalisme… sans aucun des moyens concrets de la théâtralité (pas de rideau, pas de fond de scène, pas d’éclairages). Tout repose donc sur les acteurs qui oscillent sans cesse entre conventions, jeu éclaté et vécu, improvisation… À ce jeu-là, on saluera la prestation de Fanny Rudel qui réussit avec finesse les passages de l’un à l’autre.
– « Idéal Club » – Cie 26000 couverts
Les stars du festival sont là et font le plein tous les soirs. Le spectacle, composé de sketchs divers et variés est très drôle, très ludique et rudement bien fait. Ils sont beaucoup, jouent au thon, avec un petit chien ou de la scie. C’est drôle et… non en fait c’est tout, c’est juste drôle. À ce prix-là (19€), heureusement.
Bruno Paternot
le programme a l’air intéressant !