« LO ESENCIAL », UNE PLONGEE SOLAIRE AU COEUR DE L’ANDALOUSIE FLAMENCA DE LUIS DE LA CARRASCA

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LEBRUITDUOFF.COM / 27 juillet 2014
AVIGNON OFF: « Lo esencial », Luis de la Carrasca / Théâtre de L’Oulle / Jusqu’au 27 juillet 20h40 / durée 1h10.

Luis de La Carrasca présentait dans le Off son nouveau spectacle « Lo esencial », un retour aux fondamentaux de sa terre andalouse et du Cante jondo. Un superbe voyage au coeur de l’Andalousie flamenca et une belle incursion dans le coeur même du cantaor, amoureux de ses racines qu’il porte bien haut en étendard, et qu’il sait si bien donner en partage.

Lo esencial (l’essentiel) est comme son titre l’indique, une plongée dans ce qui a construit le cantaor, depuis Huescar, où il est né, jusqu’à Avignon où il vit désormais, en passant par Granada où il s’est frotté très tôt au Cante, accompagnant le bailaor grenadin Juan Ramirez. Huescar, en Andalousie rurale, où le jeune Luis a grandi dans les fermes, déjà très tôt impressionné par ces flamencos au chant puissant, un Cante imprégné de toute la vérité de la terre solaire de l’Andalousie, passeur de la terrible condition des peones, souvent gitans, qui se louaient à l’époque journellement pour un salaire de misère gagné sous un soleil de plomb. Une Andalousie rurale qui de plus, subissait dans sa chair, au quotidien, la stigmatisation franquiste à l’égard de tous ceux, trop pauvres et trop gitans pour compter dans la société espagnole des années soixante, et qui n’avaient que leur chant pour fortune.

Lo esencial à ce titre est un spectacle profondément humain. Et politique, à la manière toujours subtile de Luis de la Carrasca, cet écorché vif qui sait si bien, au prime abord, cacher ses douleurs et ses colères mais dont l’âme vibre d’un bouillonnement intense, que ce spectacle ici transmet avec toute la force nécessaire.

Entamant le spectacle au plateau avec une martinete -ce chant des forges typiquement flamenco, ancêtre du gran Cante– que Luis se paye le « luxe » d’accompagner avec un vrai marteau, le cantaor d’emblée pose le tableau : « Lo esencial » sera flamenco, puro, jusqu’au bout des ongles. Et quand lui succédera la sublime Ana Pérez, bailaora d’exception, grandie à la double mamelle du flamenco et de la danse contemporaine, impressionnante en sirène dans sa grande robe bleue à traîne dont elle va jouer avec art, alors, comme dans un souffle suspendu, le coeur brûlant du flamenco palpitera de la plus lumineuse manière.

Suivront des morceaux de bravoure, où le cantaor exprimera tout son art et sa grande maîtrise des palos fondamentaux du Cante : soleares, alegria -où le bailaor Kuki Santiago, comme à son habitude, subjuguera son public- une superbe vidalita, ce chant du retour des flamencos émigrés en Amérique latine… pour terminer avec art et amitié, dans une complicité fraternelle donnée por bulerias et a cappella, devant un public en communion.

On sera toujours impressionné par la très grande complicité qui lie les musiciens et les danseurs de la troupe de Luis, un compagnonnage dont d’ailleurs le cantaor ne manque jamais de souligner l’importance, et qui, c’est certain, contribue beaucoup à l’ambiance extraordinaire qui passe dans la salle. Un vrai plaisir de jouer, communicatif, que le public reçoit à juste titre comme un cadeau.

Ce qu’on aime chez Luis de la Carrasca, au-delà de son grand talent de chanteur et de meneur de troupe, c’est cette gentillesse, cette attention et cette humilité constante à l’égard de ses compagnons, auxquels il laisse toute la place pour s’exprimer : de Kuki Santiago et Ana Pérez, les deux danseurs -et quels danseurs !-, à José Luis Dominguez le guitariste -et quel guitariste!- ou à l’excellent percussionniste Kadu Gomez, chacun aura l’occasion d’être dans la lumière, Luis ne manquant jamais de leur donner toute la place qu’ils méritent. Une attitude de partage et d’amitié qu’il faut souligner, plutôt rare chez les artistes, habituellement simplement préoccupés de leur ego.

Lo esencial est un spectacle essentiel. On y trouve tout ce qu’on aime du Flamenco, le grand chant et la fête, la douleur et la brûlure, le baile exceptionnel des deux danseurs et bien sûr, le très grand talent de Luis de la Carrasca. Un moment inoubliable de partage, qui nous relie à l’Andalousie natale de Luis de la plus belle des manières.

Marc Roudier

A signaler : le nouveau CD de Luis de la Carrasca « Tesoros humanos« , sorti en juin et disponible en disquaires et sur http://www.luisdelacarrasca.com

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