AVIGNON OFF : « JUSTE LA FIN DU MONDE », UN LAGARCE AU PETIT LOUVRE
LEBRUITDUOFF.COM – 17 juillet 2017.
Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce – Mise en scène : Jean-Charles Mouveaux – Au Petit Louvre à 19h35 jusqu’au 30 juillet (relâche les 11,18 et 25 juillet)
« Juste la fin du monde » a été écrite en 1990 par Jean-Luc Lagarce, mort 5 ans plus tard du sida et se sachant déjà atteint par la maladie. Le propos est sombre, très sombre et paraît ne pas être étranger à la fin de vie de l’auteur.
En préambule et dans un propos d’outre-tombe, Louis, un jeune homme de 34 ans, nous informe qu’il retourne dans sa famille pour l’informer de sa mort prochaine. Il retrouve ainsi sa mère, sa jeune sœur Suzanne, son frère Antoine et la femme de son frère, Catherine. On a du mal à trouver ses mots, à renouer un dialogue. Les vieilles querelles et les rancœurs familiales ressurgissent, des blessures ne sont pas guéries. Dans une suite de dialogues entre Louis et les membres de sa famille, ou plutôt dans des non-dialogues tant la communication est difficile, tant chacun reste enfermé dans son mode intérieur, la parole est refoulée. Puis elle devient indispensable, on voudrait dire tout ce qu’on a sur le cœur, ce non-dit que l’on a si longtemps contenu.
Le langage est au cœur de la pièce dans cette écriture si particulière de Lagarce dans laquelle les personnages cherchent constamment à progresser dans leur pensée. Les mots, les phrases sont repris, modifiés, adaptés sans cesse pour être sûrs de transmettre réellement ce que l’on à dire, ce que l’on veut absolument dire.
Finalement Louis se tait. Il repart comme il est venu et préfère se retrouver seul avec sa souffrance, face à la mort qui semble lui être devenue familière. Louis meurt quelques mois plus tard, il aurait voulu pousser un « grand et beau cri, un cri long et joyeux » avant de mourir mais il ne l’a pas fait. « Ce sont des oublis comme celui-là que je regretterai ». La fin de la pièce est particulièrement troublante et émouvante, le rêve et la poésie aident à affronter la mort.
La mise en scène de Jean-Charles Mouveaux, qui joue en outre le rôle de Louis, est assez classique et met en valeur le texte dans toute sa dureté, sa tendresse et sa poésie. Elle s’inscrit dans un décor de tables superposées ou renversées qui positionne judicieusement les acteurs dans l’espace.
L’interprétation est homogène et transmet les émotions, les frustrations, les colères, les non-dits refoulés. On retiendra en particulier les prestations poignantes de Philippe Calvario et Jean-Charles Mouveaux dans les rôles des deux frères.
Un moment de théâtre saisissant qui nous plonge dans les mystères de l’incompréhension humaine et qui nous fait côtoyer la mort de près.
JLB