AVIGNON OFF, RENCONTRE AVEC MARIKA BRET, DRH DE CHARLIE-HEBDO
LEBRUITDUOFF.COM – 16 juillet 2017
« Lettre aux escrocs de l’Islamophobie qui font le jeu des racistes » – Rencontre avec Marika Bret, DRH de Charlie-Hebdo.
Ce 14 juillet, au théâtre de l’Oulle et ce jusqu’au 18, de polémiques en refus, Laurent Rochut ne pouvait ne pas ouvrir ses portes à cette équipe qui a déjà tellement souffert. Et par souci d’absolue nécessité bien sûr!
Une lecture de Gérald Dumont de » Lettre aux escrocs de l’Islamophobie qui font le jeu des racistes » (finalisé par Charb deux jours avant sa mort), s’est suivi un débat entre les spectateurs et la présence au plateau de: Marika Bret (DRH Charlie-Hebdo), Amine El Khatmi (Adjoint de la culture Avignon), Victor Quezada-Perez (Metteur en scène), et Serge Basso (Directeur de la Kulturfabrik). C’est alors vers 1h30 du matin que je pose quelques questions à Marika :
Où en est Charlie-Hebdo aujourd’hui ?
Marika Bret : Et bien, il aura fallu du temps. Mais à ce jour, l’équipe a à la fois retrouvé les éclats de rire et les engueulades ! Si les deux sont réunis c’est que l’âme de Charlie-Hebdo persiste et que nous avons réussi à nous asseoir autour de cette foutue table. Quant aux lecteurs, nous n’avons bien évidemment pas gardé les huit millions qui avaient acheté la Une, sans même savoir ce que c’était. Mais nous avons un équilibre des ventes qui tournent entre 120 000 exemplaires, alors qu’en décembre 2014 nous en étions à 14/16000. Depuis décembre 2016, nous possédons un édito en allemand, donc tout va bien.
Pourquoi l’Allemagne ?
Car ce fut le pays d’Europe réactif sur la durée. Tout le monde avait réagi rapidement puis ça s’est étiolé… Eux ont fait un vrai travail à long terme comme la création des musées de la caricature qui se sont associés pour expliquer la caricature, le dessin de presse etc. Et du coup, nous nous sommes dits : » essayons ! »
Et côté subventions ?
Il y a eu une subvention, et une seule ; celle du ministère de la Culture. Fleur Pellerin nous a attribué une enveloppe d’un million, après quelque mois de sollicitations. Million qui n’aura servi qu’à la construction de nos locaux transformés en blockhaus.
L’âme reste-elle réellement inchangée ?
Oui ; quand je vois les commentaires sur les dessins, les hurlements qu’ils provoquent. Donc, nous continuons à piquer là où ça fait mal, ce qui est le propre du langage satyrique. Après, c’est une nouvelle équipe… Riss, devenu directeur de publication, est à la fois celui qui amène le journal et qui se trouve le plus ennuyé car il a une fatwa sur le dos : 250 000 dollars, à qui l’abattra. Et pourtant il a cette volonté, cette rage que Charlie perdure.
Diriez-vous qu’ils sont morts pour » rien » lorsqu’un mutisme côté politiques et journalistes se fait de plus en plus prégnant ?
Ils sont morts pour nos libertés, donc je ne dirai pas pour rien. La difficulté est que nous continuons à vivre avec le besoin de savoir. Ca ne répond pas directement à la question, mais il y a deux terroristes qui sont entrés dans une salle de rédaction en plein jour et en plein Paris. Comment ça a pu se passer ? C’est de l’ordre de la réponse judiciaire mais c’est aussi de l’ordre du politique. Et donc, nous ne lâcherons pas cette question. C’est trop important. En tout cas, en ce qui me concerne, c’est un combat.
Sentez- vous tout ce petit monde actif ?
Oui, trois juges sont nommés sur l’affaire, qui ont lié le 7/8/9 janvier : évidemment une bonne idée. Ce qui m’agace est qu’ils trouvent beaucoup de choses auprès d’Amedy Coulibaly et strictement rien autour des frères Kouachi. Je me suis portée partie civile et je ne lâcherai pas tant que je n’aurai pas encore quelques éléments de réponse de ce côté-là.
Je disais pour » rien « , car la situation empire…
Oui ! La laïcité n’est absolument pas dans l’actualité de notre gouvernement. Que font-ils ? C’est très inquiétant.
Propos recueillis par Audrey Scotto