UN « VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT » RADICAL, D’UNE NOIRCEUR ECLAIRANTE
« Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline – Mise en scène et jeu : Franck Desmedt – Au petit Louvre (Salle Van Gogh) du 5 au 28 juillet (relâche les 10, 24 juillet) – A 14h05 – Durée 1h20.
Franck Desmedt, Molière du comédien dans « Adieu Monsieur Haffmann » en 2018, signe là une mise en scène noire et puissante dans les profondeurs de l’âme humaine. C’est sous la plume de Louis-Ferdinand Céline que le personnage principal « Ferdinand Bardamu » voit le jour et narre son expérience au travers d’un voyage allant de la Première Guerre mondiale aux colonies. Bardamu, dont le récit est largement inspiré par la vie Louis-Ferdinand Céline dissèque alors durant plus d’une heure toute la noirceur de l’Homme. Ici chaque phrase n’est que crachat jeté à la figure, comme si nulle lumière ne pouvait sortir de l’humanité.
Quasiment sans décor et seul sur scène dans une lumière aussi sombre que le constat de l’auteur sur le monde, le comédien Franck Desmedt évolue lentement en disséquant chaque phrase, en découpant les mots comme on découpe la chair, en oscillant entre un rythme lent et des moments de haine et de fulgurance, jetant les idées de Céline comme il jetterait un seau de sang à la figure du monde. De la Première Guerre mondiale et son train d’absurdités à sa rupture avec cette prostituée aimante dans une Amérique moite et socialement aux abois, cet antihéros pétri de lâcheté apparaît clairement devant nous dans toute sa souffrance, son dégoût de la guerre et des hommes et sa volonté de survivre à tout prix. Rester debout coûte que coûte !
Franck Desmedt, signe ici un spectacle radical d’une noirceur éclairante. Toujours sur le fil d’une narration qui glace le sang devant tant de dégoût de tout mais qui permet aussi de toucher du doigt le sang, les chairs déchiquetées et les âmes brisées qu’engendrent les guerres et la misère sociale. Un travail assurément à découvrir !
Pierre Salles