AVIGNON : CEUX QUI DESESPERENT, ET CEUX QUI PROSPERENT…
BILLET : AVIGNON OFF, CEUX QUI DESESPERENT, ET CEUX PROSPERENT…
Les compagnies seront ravies d’apprendre qu’elles ne sont pas les seules à souffrir, en cette période surréaliste de restrictions de tout poil et autres misères faites au spectacle vivant.
Pendant que certaines sont au bord du désespoir, quasi en faillite, les théâtres privés, comme ceux relevant « d’associations loi 1901 » (à but non lucratif, rappelons-le) mais largement subventionnés, sont eux, en dépit de leurs pitoyables démonstrations publiques lacrymales, plutôt florissants : non contents de toucher comme chaque entreprise fermée suite au Covid des sommes conséquentes relatives à leur soi-disant « perte de chiffre d’affaire », ceux-ci ont profité de la crise pour « dégraisser » à tout-va, prétextant la pandémie pour mette à pied leurs collaborateurs, devenus trop chers car trop anciens et qualifiés, de manière à leur substituer des « jeunes », tout droit sortis des facs et donc peu gourmands en terme de salaires et de revendications…
A Avignon-sur-scène (terme emprunté à notre confrère Fabien Bonnieux de « La Provence »), l’épidémie des licenciements plus ou moins déguisés fut foudroyante, et ce dès le premier confinement. De « grandes » scènes avignonnaises, depuis toujours considérées (bien naïvement) comme porteuses de « valeurs » de gauche et auto-proclamées bienveillantes à l’égard de leurs salariés, dispensant un discours politiquement correct à l’endroit d’une multitude de « causes » bien-pensantes, ont brutalement licencié les personnels qui leur étaient attachés, parfois depuis une vingtaine d’années, mais qui les gênaient : trop chers, trop « affûtés », trop au courant de leur gestion humaine interne plus que douteuse, ce qui pourrait nuire à leur délicieuse image de sainteté…
Ceux-là, tout le monde les reconnaîtra. Et d’ailleurs, chacun sait intimement, ici à Avignon, ce que ces « patrons » culturels valent, humainement parlant. Derrière l’affichage de l’amour et de la fraternité, se dissimule depuis toujours une politique « DRH » impitoyable, essorant les employés, psychologiquement et financièrement, enfreignant les règles élémentaires du droit du travail, les faisant bosser au-delà des conventions salariales -ce que tout le monde sait, mais que personne ne dit, la fameuse « omerta » avignonnaise : il serait grand temps que les syndicats de la profession et l’inspection du travail se penchent sérieusement là-dessus. Ces patrons au grand coeur agissent impunément depuis des lustres en infractions réitérées aux principes fondamentaux du droit du travail et au pur mépris de la loi, exigeant de leurs salariés un dévouement absolu à la grande « cause de l’art ». De la leur en particulier. Vertige du discours…
On s’étonne d’ailleurs que leurs « tutelles » institutionnelles continuent aveuglément depuis des décennies de leur allouer autant d’argent public, par centaines de milliers d’euros pour certaines d’entre elles… Alors qu’elles sont parfaitement au courant de leurs exactions -en terme de droit du travail- et dols -en matière d’usage abusif de subventions publiques. Et surtout, pour quelques-uns de ces théâtres, de leur inaction absolue, si ce n’est la mise sur marché de leurs « créneaux », ou, dans le meilleur des cas, l’auto-production de leurs « chef-d’oeuvres » intemporels… Ces collectivités territoriales et l’Etat lui-même font montre à l’endroit de ces bénéficiaires du denier public d’une générosité sans limite, qui pose question : incompétence, complaisance, lâcheté ? un peu des trois sans doute *.
Autre préoccupation, la « dynastisation » de certains de ces théâtres -associations loi 1901 rappelons-le- par le jeu des passations de pouvoir entre parents et enfants, créant des lignées d’héritiers du bien public, en les nommant « directeurs » de structures fondées il y a 50 ans, sans qu’aucune compétence artistique ou expérience réelle soit requise, chargeant ces heureux « élus » de pérenniser et faire prospérer l’entreprise familiale, quitte à mordre un peu sur les « idéaux » de ses fondateurs… Soyons clair : on ne parle pas ici de stigmatiser certains, absolument légitimes, comme la succession Benedetto par exemple, dont la reprise du Théâtre des Carmes par le fils après le décès de son père le poète et fondateur du OFF fut tout à fait naturelle et tout à fait fondée, ce qui n’est pas le cas pour d’autres scènes du OFF, subventionnées ou privées, dont le parachutage d’un élément de la famille, sans aucune légitimité artistique ou professionnelle, atteste d’une prévarication insupportable.
Voilà pour le commerce avignonnais des âmes bâtées du théâtre dit subventionné. Mais les structures strictement privées ne sont pas en reste : Tous les fameux « indépendants » de la toute nouvelle « fédération des théâtres indépendants (sic) », structure militante des laissés pour compte des deniers publics, ne valent pas mieux. Leurs exactions -y compris au pénal- ne se comptabilisent plus : détournements de recettes, non conformité au droit du travail, non mise aux normes de leurs salles en matière de sécurité… on en passe et des meilleures.
Le Covid leur aura également réussi comme il a réussi au théâtre dit privé mais grassement subventionné, parfois même à l’équivalent des scènes nationales ou des CDN : chômage partiel, recours aux fonds de secours ou aux prêts qu’ils ne rembourseront jamais, licenciements abusifs, etc. Apparemment, la vie est belle pour ces rentiers de l’argent public depuis tant d’années, au prétexte qu’ils furent (en Anglais, on traduit par has-been), vivant sur un certain engagement artistique et politique, qu’ils affichèrent sans doute en ces temps oubliés, mais désormais bien éloigné de leur réalité actuelle… Certes, ils « furent » , dans les seventies ou les eighties -peut-être, en tout cas ont-ils su à l’époque coller aux idéaux en vogue : dispensateurs de discours lénifiants sur la probité et la rigueur artistique, sur la liberté artistique, la liberté des peuples et le respect du petit peuple, toutes choses qu’ils ont largement bafouées depuis des décennies de pratique d’un théâtre âprement intéressé et égotique. Et surtout éminemment bankable.
En réalité depuis leurs années de « gloire » (très éphémère), ces gens perpétuent les mêmes travers que ceux qu’ils dénonçaient naguère à l’endroit des « nantis » du Théâtre public… Mais ces has-been-là ont la peau dure, de l’entregent croient-ils (mais c’est de moins en moins vrai, la génération de leurs copains ou « obligés » institutionnels s’éteignant peu à peu, comme eux d’ailleurs))- et le verbe haut, sans vergogne, visiblement.
Ainsi va la vie… Pour combien de temps encore ?
Martin Zell
* faut-il rappeler à ces messieurs-dames les élus et administratifs qui ferment les yeux sur les comportements délictueux des structures qu’ils subventionnent, qu’ils peuvent un jour ou l’autre se retrouver devant les tribunaux, passibles de complicité de détournement de fonds publics, complaisance délictuelle concernant le droit du travail, et autres joyeusetés pénales ? Ce qui ne va pas manquer de leur arriver s’ils continuent de fermer les yeux devant de telles pratiques illégales usitées par leurs subventionnés, en toute connaissance.
** rappelons également à tous-tes celles et ceux peu avares de commentaires insultants que nous avons évidemment modérés, que nous tenons à la disposition de la Justice de solides dossiers sur ce que nous avançons, documentés et imparables, susceptibles d’alimenter solidement tout procès au bénéfice des victimes, pas seulement au Prud’hommes, mais au pénal, pour infractions graves au code du travail et à la dignité humaine des salariés concernés.
bonjour, je vous remercie de cet article. La covid m’a appris qu’il n’y avait aucune solidarité entre subventionnés et « indépendants’. Ils ne se mélangent pas. Je veux vous relater un petit évènement qui me perturbe. La salle Roquille a décidé de fermer ses portes vous comprenez pourquoi. Ce théâtre est permanent depuis 35 ans. J’ai ameuté tout le monde dans le milieu. Personne, je dis bien personne à part le théâtre de l’Etincelle et Michel Flandrin qui lui ont envoyé un gentil message, les autres rien. Et pourtant la salle Roquille travaillait en étroite collaboration avec le théâtre des Halles. Rien. Je suis au courant parceque j’étais la trésorière de ce théâtre. C’est tout. J’ai fait plusieurs manifestations, pour la culture. Les subventionnés et les autres ne se mélangent pas. Moi ça me pose plein de questions. Comment peut-on s’ignorer quand on aime le même art ? Ma façon d’être festivalière va changer, c’est certain. Merci d’être là. Vous nous apportez des éléments que nous ignorons.
Bonjour , un bel article sur le festival sur la Provence , cette semaine.
Puis la rénovation de la Cour d’honneur entre les chaises et la scène : 3.6 millions d’euros !!!
pour 3 semaines de spectacles. No comment ‘s…………..
Merci pour vos articles .