AVIGNON OFF 2021 : TROIS QUESTIONS A LAURENT ROCHUT (LA FACTORY)
AVIGNON OFF 2021. Entretien avec Laurent Rochut, directeur de La Factory
Le BDO : Depuis le début de cette pandémie, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ? Quel est le souvenir qui vous reste : est-ce le silence de la rue, la nature retrouvée, le nombre de morts qui s’égrène ?
Laurent Rochut : Le sentiment d’être retenu en salle d’attente sans aucune idée du nombre de patients qui nous précèdent. Les métiers de l’art vivant, au même titre que ceux de la restauration, de l’événementiel, ont été assignés à résidence. Nous étions soudain des dissidents sanitaires. Des non-essentiels, comme il a été dit, et cela sentait un peu la fosse commune qu’on réservait au comédiens dans l’Ancien Régime. Il revient vite le temps de mettre à l’index les inutiles, de les mettre de côté avec ce sous-entendu qu’il faut laisser travailler les gens sérieux. Alors c’est ça mon souvenir le plus marquant. Ce sentiment d’avoir été infantilisé comme citoyen et la double peine d’être un inutile… une cigale par temps de fourmis.
On annonce que le OFF va avoir lieu, dans quel état d’esprit êtes-vous ? Allez-vous faire les choses autrement, ne rien changer dans votre théâtre ?
J’ai envie d’en découdre. De poser des bombes poétiques dans le silence sanitaire dont nous venons à peine de secouer la torpeur. Envie de démontrer que le théâtre est essentiel parce qu’il est inutile. C’est toute sa subversion. Utile, c’est un truc de chef de rayon. C’est bon pour les têtes de gondole, les débroussailleuses à Leroy Merlin ou les produits anticalcaire à Carrefour… C’est parce qu’il est inutile, dans ce sens-là, que l’art et le théâtre sont indispensables. Indispensable un silence de Mozart, indispensables les points de suspension de Céline, les e muets sonores de Nougaro, c’est son inutilité qui le rend subversif… Inapte au garde à vous, premier en garde à vue.
Quelle est la question que vous aimeriez nous poser et que nos lecteurs vont lire ?
(Rire) Mais pourquoi êtes-vous tellement détestés ?
Propos recueillis par Emmanuel Serafini
Image : « Pucie » par la compagnie Les Sapharides, à La Factory (Théâtre de L’Oulle), du 7 au 31 juillet à 11h25