DANIEL MESGUICH : « TRAHISONS » DE HAROLD PINTER
LEBRUITDUOFF.COM / 7 juillet 2014
« Trahisons » d’Harold Pinter – mes : Daniel Mesguich – Théâtre du Chêne Noir à 18h15.
Daniel Mesguich met en scène « Trahisons », du dramaturge anglais Harold Pinter. Œuvre contemporaine s’il en est, « Trahisons » nous offre une autopsie des sentiments et des non-dits amoureux. L’intrique est pourtant simple : Emma est marié à Robert, éditeur, et tombe amoureuse de Jerry, le meilleur ami de Robert. Un mari, une femme et son amant, la triangulaire classique des drames amoureux… mais l’ingéniosité consiste ici à commencer par la fin de l’histoire. La femme et l’amant s’étant séparés depuis plusieurs années, H. Pinter démêle le fil des événements par des petites phrases qui vont nous transporter de la rupture finale au coup de foudre initial lors d’une fête chez Emma et Robert. Ici l’intrigue n’a que peu d’importance mais le démêlage du « Comment » devient la clef du spectacle.
Comme le précise Daniel Mesguich, il n’est pas question ici de mensonge mais de sincérité, comme une évocation de ces conversations durant lesquelles, à mots cachés, inconsciemment, nous nous arrangeons avec la vérité avec une fausse naïveté. Nous ne savons pas ou alors nous ne voulons pas savoir. Voila la trame de cette pièce montée comme un compte à rebours. Cette chronologie inversée n’est pas qu’un effet de style, elle permet de donner poids à tous ces mots, même anodins, le spectateur sait par avance chaque non-dit, et étrangement plus l’on se rapproche du bonheur d’Emma et Jerry à l’aube de leur amour plus la tension se fait sentir au sein des spectateurs. Le drame est là, évident. Chaque silence devient lourd et moite. Que représente ce regard de Robert à Emma ? De l’amour ou la certitude d’être trompé, enfoui au plus profond de son inconscient ? Les scènes s’enchainent avec un élégant procédé consistant à juxtaposer certains éléments du décor, voire les acteurs, d’une scène à l’autre, nous donnant l’illusion d’un restant de pensée, d’un souvenir ou d’un fantôme et donnant par cette seule présence un autre sens aux mots.
Les trois acteurs: Daniel Mesguich, Eric Verdin et Sterenn Guirriec ainsi que Alexandre Ruby dans le rôle du « Garcon » , excellents dans tous les registres de la vie, nous offrent dans cette belle mise en scène de Daniel Mesguich un spectacle tout en finesse et subtilité, décortiquant minutieusement les rapports amoureux ou simplement humains.
Pierre Salles