AVIGNON OFF : « A TES SOUHAITS », COMEDIE CONJUGALE REALISTE, AU THEATRE AU BOUT LA-BAS
LE BRUIT DU OFF / 25 juillet
AVIGNON OFF : « A tes souhaits » par la Nivatyep Cie / jusqu’au 27 juillet au théâtre au Bout Là-Bas à 19h.
Elle range le dernier carton, il les transporte. Est-ce qu’ils quittent leur appartement commun ? Est-ce qu’ils déménagent les affaires de l’un pour qu’il aille chez l’autre ? En tout cas, ce qui se voit dans les yeux de Paul (superbement interprété par Maxime Mikolajczak) c’est qu’il « faut qu’on parle ». Une fois l’un et l’autre en état d’écoute, les paroles fusent, les âmes se vident et les cœurs débordent. Jusqu’à la moitié de la pièce, Juliette Peytavin la metteuse en scène et co-auteure (avec ses comédiens) du spectacle nous offre une scène de la vie conjugale comme il y en a beaucoup.
Là où le spectacle devient, si ce n’est unique, en tout cas très personnel, c’est qu’imperceptiblement les rôles s’inversent. Ce n’est plus lui, c’est elle qui en a ras le cœur et veut poser sur la scène, en toute impudeur, ses doutes et ses douleurs. Le spectacle est simple, très simple, sans être simpliste. La Nivatyep Cie fait une proposition beaucoup plus simple que son nom : un parti-pris, une situation et de l’honnêteté. Et ça marche grâce à cela : de la simplicité et de la sincérité à revendre. Les deux comédiens foisonnent de douceur, y compris dans les scènes de violence et de harangues, car ils s’aiment, malgré tout. Le pari d’inventer de bout en bout un spectacle d’une simple complexité (ou d’une complexe simplicité, au choix) est relevé haut la main et haut les cœurs.
Une simple complexité, car finalement, c’est ça l’amour. C’est évidemment complexe. Évidemment qu’ils s’aiment toujours, même quand ils ne s’aiment plus et de toute façon impossible de jeter un voile d’oubli sur leur histoire : les photos, les livres offerts, les cartons de souvenirs sont là pour le rappeler.
Une complexe simplicité aussi, car le rapport au réel est à la fois très clair, mais frictionné d’étrangeté, ce qui nous place ailleurs. On est bien au théâtre et la compagnie refuse un réalisme de cinéma ou un lyrisme de littérature : elle choisit la théâtralité comme maître d’œuvre. Jamais dans la vie, on ne rejoue la scène, jamais dans la vie, on ne s’effondre au propre et au figuré en même temps. Mais, comme c’est sincère et honnête, on y croit. Et surtout, c’est cette théâtralité qui rend universelle une histoire singulière.
Le projet, afin de réussir complètement, gagnerait à distancier encore plus la fable en l’insérant dans une diégèse (l’espace et le temps de la fiction) encore plus étrange et théâtrale : une scénographie ou un éclairage plus poétiques et plus abstraits porteraient les petites histoires au rang de mythes universels.
À tes souhaits est un spectacle magique où un spectateur peut exploser de rire sur une réplique qui fera fondre sa voisine. L’inverse sera vrai aussi quelques phrases plus loin, car une inflexion de voix, une expression, un regard nous cueillera au moment où l’on s’y attend le moins. Le tout sur fond de chansons « à la con ».
Un seul reproche : ce spectacle est trop court ! Et l’on prendrait bien un peu plus d’humanité à la figure…
Bruno Paternot