UN « BARBE BLEUE » AUX CARMES AUX SENTEURS DE RECHAUFFE…
Posted by lefilduoff on 20 juillet 2015 · Commentaires fermés sur UN « BARBE BLEUE » AUX CARMES AUX SENTEURS DE RECHAUFFE…
LEBRUITDUOFF.COM – 20 juillet 2015
« Barbe Bleue » d’Amélie Nothomb adapté par Gérald Aubert – Théâtre des Carmes-André Benedetto – du 4 au 26 juillet 2015 à 18h (relâche les 9 et 20 juillet)
« Barbe Bleue » : Fluide glacial… aux senteurs de réchauffé….
Le roman d’Amélie Nothomb conte les tribulations d’Elemirio, gentleman riche, solitaire et un tantinet tordu, qui propose à moindre coût à de jeunes femmes, belles et bien sous tous rapports, de leur louer une chambre dans sa luxueuse demeure, les parties communes étant – comme il se doit en la circonstance – partagées entre eux. En revanche, un interdit est posé d’emblée à la locataire élue, la ravissante Saturnine : la monumentale porte, non fermée à clef, qui ouvre sur le cabinet secret du propriétaire des lieux, ne doit jamais – et sous aucun prétexte ! – n’être franchie par elle. Sinon…
Pas besoin d’avoir lu Jung, pour interpréter le message subliminal délivré par cette accroche : L’ombre de Barbe Bleue inscrite dans l’inconscient collectif donne corps à l’objet de la menace. Sauf que, on s’en serait douté, sous la plume de l’écrivaine, la chute sera différente. Joutes à fleurets mouchetés, échanges parfois plus rudes, au cours desquels à la violence (souvent) contenue du vieil aristocrate un brin porté sur la chose mais excellant dans l’art de la conversation et de la gastronomie, s’oppose la détermination tout en finesse de la jeune colocataire qui lui tient tête en refusant de lui donner (un temps…) son corps. Savoureux échanges orchestrés par une comédienne, Charlotte Adrien, plutôt convaincante dans le rôle de cette fausse ingénue au caractère trempé, et par un comédien, Pierre Santini, rompu à l’art de servir les rôles au Théâtre. Quant au domestique zélé qui « ma foi ne se plaint pas de sa place », il est servi par Xavier de Guillebon avec le zèle qui sied à son personnage zélé.
Une heure un quart plus tard, la chute de la Maison Elemirio nous apprendra que tel est pris qui croyait prendre et qu’un retournement dans son contraire fera que la neuvième victime potentielle s’avèrera être le bourreau (du cœur) de l’infortuné maître de céans pris à son propre piège. Une fin – sorte de mise au placard – qui bien que cousue de fil blanc, ne manque pas de nous laisser sur notre séant tant elle jette un froid eu égard aux réserves infinies de perversité dissimulées chez les anges au féminin.
Un spectacle « honnête » qui se déguste donc comme une agréable friandise mais qui, lorsqu’on a fini de sucer le bonbon, ne laisse en bouche qu’une saveur modérée. Sans doute la facture classique de la mise en scène et de la scénographie qui ne réservent que peu de surprises elles aussi – en plein accord en cela avec le contenu du roman de départ, faussement contemporain – participe-t-elle de cette impression d’une pièce montée à consommer sur place.
Yves Kafka