« LE BAL DU CERCLE », FATOU CISSE : DU CORPS, DU CORPS…

le bal

LEBRUITDUOFF.COM – 21 juillet 2015

69e FESTIVAL D’AVIGNON : « Le Bal du Cercle » de Fatou Cissé – Cloître des Carmes les 16, 17, 18, 19 et 21, 22, 23 juillet à 22h

Partant du Tanebeer – cette pratique ancestrale sénégalaise exclusivement féminine dont la société africaine contemporaine s’est emparée pour l’étendre à l’espace partagé de la cour des maisons familiales – Fatou Cissé, figure émergente de la nouvelle danse sénégalaise, propulse sur la scène du Cloître des Carmes cinq danseuses (dont elle) et un danseur « travesti » qui vont jouer et rejouer ce moment à haute valeur ethnographique et libératrice.

Si l’arbre à palabres est en Afrique le lieu quasi exclusif des hommes qui viennent soumettre aux sages les différends qui les opposent, le Bal du cercle en est l’équivalent féminin. A la différence près qu’ici personne ne rend un jugement de Salomon, c’est à chacune que revient la charge de se faire le porte-voix – ou plus exactement le « porte-corps » au travers des parures vestimentaires et du maquillage fièrement arborés – de ses aspirations. Les problèmes de vie quotidienne, de polygamie ou autres sont ainsi réglés entre femmes avec les armes qu’elles choisissent, c’est-à-dire la formidable énergie et l’audace sans limites qui les irradient.

La jeune chorégraphe, pour mettre en scène ce Bal d’où les hommes sont exclus (rejetés « hors du cercle », à l’exception des musiciens percussionnistes du sabar), a choisi la forme d’un défilé de mode qui, outre qu’il se prête à tous les jeux du paraître affiché sans retenue aucune, offre le grand intérêt de magnifier cette explosion de couleurs et d’énergie contagieuse. Mais, loin de tout folklorisme, ce qui est montré c’est l’implication des femmes qui se saisissent de cette « re-présentation » pour exprimer, hors des carcans d’une culture traditionnelle où leur rôle est souvent de s’oublier au profit de la communauté, leur capacité à prendre là le pouvoir sur leur vie.

Non que, pas plus que les hommes (mais pourquoi en serait-il autrement ?), elles n’échappent au diktat d’une société consumériste qui impose ses normes esthétiques ; ainsi va-t-il de la séquence où une danseuse, ne sachant trop que faire de ses hautes chaussures à talons d’une taille non appropriée, finit par s’en débarrasser. Mais ce qui ressort avant tout, c’est leur jubilation à faire gentiment la nique aux hommes en se parant (à leur usage exclusif et non à ceux des mâles) de très belles tenues colorées (design d’une créatrice de mode) et de maquillages lumineux pour « dire » entre elles, avec séduction mais aussi avec la violence qu’inspire toute rivalité, ce à quoi elles aspirent.

Ainsi ce défilé, qui exalte le corps féminin paré de couleurs fabuleuses et d’énergie électrique, prend parfois la forme d’un ring où s’affrontent les protagonistes, rappelant à juste titre que la danse, libératrice, est aussi « un sport de combat ».

Non seulement le Bal du cercle séduit par le tourbillon d’émotions qu’il génère, par la beauté à voir et à entendre qui explose sur le plateau et qui déborde dans les gradins (le public est sans arrêt sollicité par ces femmes au verbe haut), mais c’est aussi en filigrane un très beau document sur la force émancipatrice liée au désir et sur l’extraordinaire vitalité incarnée par ces femmes africaines.

Yves Kafka

article en partenariat avec INFERNO MAGAZINE

Photo Festival d’Avignon

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