DINAMO, CLAUDIO TOLCACHIR : SOLITUDES EN CARAVANES…

dinamo

LEBRUITDUOFF.COM – 24 juillet 2015

FESTIVAL D’AVIGNON 2015 : « Dinamo » de Claudio Tolcachir – Gymnase du Lycée Mistral 16, 17, 18, 19 et 21, 22, 23 juillet à 15h.

Drôles de dames, drôles de drames que ceux vécus par ces trois estropiées de l’existence qui, chacune à leur manière, trouvent dans cette caravane immobile le lieu « accueillant » leur survie. En la circonstance, Claudio Tolcachir s’est adjoint (lui aussi) deux complices, Melisa Hermida et Lautaro Perotti, pour proposer une « vue de coupe » (ou « vue écorchée ») de ce mobil home immobile en ôtant la façade de la caravane : un peu comme Georges Perec l’avait fait dans « La Vie mode d’emploi », il donne ainsi à voir les menus faits et gestes d’un quotidien qui fait du surplace et où les solitudes juxtaposées ont bien du mal à communiquer.

Il y a d’abord Ada, la vieille artiste musicienne, abandonnée par l’amour et l’inspiration, qui, à l’image de l’une de ses anciennes affiches, flétrie et écornée, épinglée sur la cloison de sa caravane, porte sur son visage les stigmates du temps qui a passé. Elle trouve dans le micro qui ne la quitte jamais l’objet transitionnel qui la rattache à ses rêves déchus. Elle fait penser à ces traumatisés de guerre, sidérés par l’impensable qui s’est abattu sur eux et qui repassent en boucle leur vie d’avant pour tenter de revivre à eux-mêmes.

Fait irruption, dans sa vie suspendue entre un passé rêvé et un avenir ruiné, sa nièce Marisa, bombe de frustrations sportives et de dérives psychologiques. On apprend qu’elle sort d’hôpital psychiatrique (torturée qu’elle est par la culpabilité qui la ronge : ses parents sont-ils morts d’un banal accident de voiture ou se sont-ils volontairement donnés la mort après l’un de ses matchs perdus ?) et qu’elle vient là, justement, pour se reconstruire une carrière de championne de tennis, elle qui n’a jamais connu le moindre succès et dont trente années écoulées ont quelque peu alourdi le corps. Ses efforts pour se reconnecter à la réalité rencontreront l’autisme de sa tante, branchée uniquement, sur le chant des sirènes de sa musique en berne, et les hallucinations dont elle se croit à nouveau victime lorsqu’elle « rencontre » – pour de vrai cette fois – la troisième occupante des lieux, qui, en position irrégulière, squatte le toit de la caravane.

Harima, c’est son nom, vient sans doute d’un pays étranger dont la langue est pure invention, sans papier, elle est vouée à une mise au placard (au propre comme au figuré, puisqu’elle n’arrête pas d’apparaître et disparaître dans les éléments suspendus de ladite caravane). Elle est des trois, sans nul doute, celle dont l’énergie présente n’est parasitée par aucun héritage lié à un passé traumatisant. Pour elle c’est le présent le traumatisme, mais, pleine d’énergie, elle lutte dans la clandestinité à laquelle la contraint son statut d’immigrée sans papier.

Ces solitudes recomposées par la présence, ignorée ou reconnue, des autres vont se juxtaposer, se croiser, parfois se rencontrer, pour former un paysage de ce que l’humaine condition peut secréter comme formes d’exclusions. L’humour n’est pas absent, ainsi les dérives de la chanteuse en mal de son passé qui se réfugie sous une serviette pour ne pas voir et entendre sa nièce dont l’arrivée intempestive perturbe ses délires artistiques, les excès de l’ex joueuse de tennis ratée toujours en mal d’exploits et qui se retrouve avec un corset orthopédique lui paralysant tout le haut du corps, ou encore les facéties de la passagère clandestine subtilisant de quoi se ravitailler.

Cette « installation » des trois Argentins, unis dans le même projet, donne à voir une photographie juste et sensible des solitudes contemporaines. Elle se laisse appréhender comme un témoignage artistique sur des réalités diffuses. Cependant, son côté non-narratif qui sacrifie au répétitif – comme la vie l’est – situe cette production dans le champ des œuvres non spectaculaires qui peuvent au premier abord « surprendre » un certain public en attente d’une construction plus aboutie et d’un récit qui progresse. Ce serait dommage car l’originalité du projet se trouve dans ce parti pris totalement assumé.

Yves Kafka

Article publié en partenariat avec INFERNO MAGAZINE

Photo Festival d’Avignon

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