« ON A FORT MAL DORMI », GUILLAUME BARBOT, LA MANUFACTURE
Posted by lefilduoff on 12 juillet 2016 · Commentaires fermés sur « ON A FORT MAL DORMI », GUILLAUME BARBOT, LA MANUFACTURE
« On a fort mal dormi » – Création de Guillaume Barbot d’après les textes de Patrick Declerck, avec Jean-Christophe Quenon – La Manufacture à 16h15 du 6 au 24 juillet
Guillaume Barbot lit en 2006 « Les Naufragés », un texte de Patrick Declerck dans lequel l’auteur, ethnologue et philosophe, raconte comment un soir il s’est déguisé en clochard pour être embarqué dans le centre d’hébergement de Nanterre. En 2012, Patrick Declerck nous parle cette fois des SDF, mais là les mots deviennent durs et francs envers notre société qui rejette toute une partie de cette population de plus en plus fragilisée par les crises successives.
Sur scène le comédien Christophe Quenon nous parle d’humain à humain, simplement, avec les mots souvent très crus de Patrick Declerck qui ne fait pas dans l’angélisme quand il nous parle des clochards. Les mots sont durs, le constat est acide. Les clochards, dans les centres ou dans la rue, sont souvent ivres la plupart du temps, la violence est omniprésente et ces hommes ont avant tout besoin de soins. Soins pour soigner un corps blessé ou soins psychiatriques dans l’espoir d’une possible réinsertion.
Peu de moyens sur scène, un montage en bois, quelques éclairages léchés qui nous plongent directement dans l’ambiance glauque et moite d’un de nuit de ramassage de clochards ou d’un dortoir de centre d’hébergement. La force de la mise en scène et du jeu du comédien est justement de ne jamais « jouer » un clochard mais plutôt d’être l’interprète des mots de Declerck et des souffrances de ces hommes et de ceux qui tentent de les soigner sans espoir dans la plupart des cas.
Christophe Quenon s’approprie les mots de Declerck avec tant de justesse et d’humanité qu’il nous donne parfois l’impression de converser directement avec l’auteur. Il nous parle en nous regardant dans les yeux, en nous questionnant, en nous montrant du doigt ce qu’il a vu. L’effet est saisissant sur le public, oscillant entre rire et malaise, comme si le comédien nous obligeait à regarder et à sentir de prés quelque chose que nous préférons cacher dans une petite pièce au fond de notre jardin, fermée à double tour.
Un très beau moment de théâtre à La Manufacture, sensible et troublant, qui ne laisse personne indifférent.
Pierre Salles