AUX HAUTS-PLATEAUX : « LORETTA STRONG », OBJET THEÂTRAL NON IDENTIFIE

Loretta

LEBRUITDUOFF – 15 juillet 2016

Loretta Strong – cie Ultima – Les Hauts-Plateaux – 7-30 juillet.

La compagnie Ultima Necat présente aux Hauts Plateaux, du 7 au 30 Juillet, un texte de Copi : Loretta Strong. Si la pièce, assez hermétique, peut se résumer en quelques lignes, elle draine avec elle tout un univers étrange et fou. C’est la plongée en apnée dans cet univers qu’on nous propose ici.

Loretta Strong -comme son nom l’indique- est une petite forte. Et la voilà ici jouée par Gaël Laveugle, un grand bonhomme sec. L’héroïne éponyme est missionnée pour aller semer de l’or dans l’espace et coloniser l’univers. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu. Voilà pour la narration. Mais foin des histoires et de la chronologie, chez Copi, peut importe le flacon pourvu qu’on ait la défonce. Défonce de la narration, de la notion de personnage, du système social, tout y passe ! Se déroule alors devant nous tout un monde aussi obscur que merveilleux. Entre deux rats reproducteurs et la mort certaine de l’espèce humaine, la pièce explose de poésie. « La cervelle, ça fond sous la langue » dit Loretta : La logique dramaturgique se dissous par la force du langage. La pensée disparait pour laisser place à la langue, qui se déverse en pépites de ci de là, au détour d’une vulgarité ou d’une horreur.

Ces ruptures de langage, ces zeugmas permanents de l’esthétique, Gaël Laveugle -qui signe aussi la mise en scène- les enchaine et les enfile avec brio pour nous livrer un collier aussi perlé que l’univers porte d’étoiles. C’est de la dentelle de comédien qui tisse le fil du texte et le rend très intelligible (et qui a essayé une fois de lire le texte sait que c’est un challenge de dingue !). Il grimpe les cols de la fiction, négocie les virages langagiers, pédale dans les côtes de la sombre syntaxe de Copi pour nous faire tout comprendre. Et ça marche.

Extrêmement fidèle au texte, il en suit le rythme… d’un peu trop près, ce qui fait apparaitre très clairement (cruellement) les défauts de la pièce. Mais, malgré quelques aridités (être spectateur, ça se mérite), une bite burlesque ou un morceau de poème redonnent l’envie de plonger dans l’espace avec Loretta : « J’ai des pépites qui me sortent par tous les pores », la poésie nous sort par tous les pores de la peau parce que cet acteur parle par tous les pores. Cet homme est un corps parlant, un danseur de la langue et c’est assez rare au théâtre pour être souligné.

Outre la performance d’acteur, c’est le travail des lumières qui vaut le détour. Tout autant que l’aridité du jeu, il arrive que les lumières nous explosent à la gueule. Mais c’est bien Copi qui est violent (et la vie donc !) et tout est ici justifié. D’une inventivité éblouissante, les choix tranchés et catégoriques de Matthieu Ferry suivent et portent la pièce tout en lui donnant un écrin à sa hauteur. Même les saluts ont droit à leur lumière propre (peut-être le plus belle car veloutée et délicate) pour qu’on emporte avec nous, entre les caca-toès et les chiures de Linda, un peu de tendresse et de douceur.

Bruno Paternot

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