AUX HIVERNALES : « BOYS DON’T CRY » ENTRETIEN AVEC SYLVAIN HUC

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LEBRUITDUOFF – 15 juillet 2016

Sylvain Huc – Boys don’t cry – Les hivernales – 10-20 juillet 2016

Les Hivernales – Centre de Développement Chorégraphique – présente cette année encore une programmation très éclectique sous les chaleurs avignonnaises. Du hip-hop à la danse quasi néoclassique en passant par de contemporain cinglant, le spectre de la danse est complet. Sylvain Huc s’y installe en proposant Boys don’t cry, un projet résolument contemporain où le corps est au centre du propos. Entretien à baguettes (de batterie) rompue.

C’est parce que la danse ça fait pédé que vous travaillez sur la virilité ?
Sylvain Huc : Je ne crois pas. C’est plus parti d’un questionnement individuel qui n’était pas lié à la danse. C’est d’ailleurs une question à laquelle je n’ai pas répondu.
Au fond, je crois que la danse ne m’intéresse pas trop. J’ai commencé à 24 ans, donc je ne suis pas pétri, nourri d’une culture de la danse. Je suis historien, j’ai découvert la danse par accident. C’est un outil. Ce qui m’intéresse, c’est le corps. C’est clair et prégnant dans ce que je fais.
Je voulais aborder la virilité, même si ce n’est pas anodin de l’aborder avec la danse qui est associée à la féminité alors que les hommes ont historiquement beaucoup dansé. Dans ce monde-là, le nôtre, les fondamentaux de l’identité masculine sont bien remis en question même si on conserve des privilèges. Ce qui m’a vraiment interpellé, dès le départ, c’est le paradoxe dans le travail. D’un côté le désir de déconstruire quelque chose qui est très construit : les fictions de la masculinité, les constructions sociales, culturelles, esthétiques… C’était délicat de vouloir à la fois déconstruire ça, revendiquer qu’en tant qu’homme on peut être précaire et fragile et en même temps profiter des privilèges de la masculinité dans cette société. Je ne peux pas me dédouaner de ça. Je me suis retrouvé dans un paradoxe à la fois de revendiquer cela alors que je n’en ai peut être pas le droit ? Le privilège d’être le sexe fort ET d’avoir les attributs du féminin.

Peut-être que c’est en militant pour permettre aux femmes d’accéder elles aussi aux constructions sociales de la masculinité (le fameux PAP : pouvoir, argent, prestige) que les choses se rééquilibreront. Aux hommes le masculin et les féminin, aux femmes le féminin et le masculin.
Ca recoupe évidement les questions sur le genre où on distingue bien le sexe d’origine et le genre. Ca me fait penser aussi à Beatrice Preciado qui a écrit un livre : Testo Junkie et à fini par changer de sexe pour s’appeler Paul Preciado. La masculinité n’est pas un privilège réservé aux hommes. Là, on a travaillé qu’avec des hommes, c’est donc un point de vue très partiel. On s’est retrouvé à trois garçons lors d’une séquence de travail et très vite, ce qui est apparu, c’est qu’il y a quelque chose d’extrêmement masculin qui est arrivé : une propension au challenge, au défi. Il y a quelque chose à quoi nous n’avons pas pu échapper. Paul Preciado a constaté les changements de comportements qu’il a éprouvés en prenant des hormones. On se retrouve entre hommes et tout de suite les rapports sont liés à ça. J’avais envie d’aller jusqu’au ridicule et montrer ces grosses couilles qui pèsent et nous encombrent.

Vous n’avez pas voulu travailler avec une femme sur cette question de la masculinité ? On a tous une bonne paire de gonades.
Le projet à émergé comme ça, entre hommes. A un moment, c’était un choix et c’était aussi peut être une nécessité de se retrouver entre garçons pour aborder ça. Mais on aurait pu aborder la chose qu’avec des filles. Mon parti-pris n’exclu pas de travailler avec des filles. D’ailleurs la masculinité ne se défini que parce qu’il existe une féminité. En soit ce n’est rien. C’était aussi un choix de ce moment-là, avec cette équipe là et qui a donné ça.

C’est quoi « ça » ?
Boys don’t cry, je le vois à la fois comme un jeu et comme une épreuve. Un jeu d’épreuves qu’on crée au plateau sur le moment qui nous sert à éprouver cette masculinité. Et cette épreuve nous fait en passer par la confrontation, l’entente ou l’organisation entre nous. Je vois ça comme un parcours d’épreuves. Quand on a commencé à faire ses sauts par rapport à la batterie, on s’est demandé dans quel état ça va nous mettre et comment ça va nous transformer ? Ces actes qui nous usent et qui nous rendent sans fin déconstruit et reconstruit. Ca me mène à ça, à être friable et avoir un corps qui ne tient plus debout et qui s’autorise ça, très béatiquement. C’est une pièce qui est très attachée au corps.

Qu’est ce que ça change, apporte, modifie, crée que vous soyez deux danseurs hétérosexuels sur scène ?
Je vais avoir du mal à y répondre parce qu’il aurait fallu que je fasse la même expérience avec des danseurs homo. J’ai bossé avec des danseurs homosexuels et dans le rapport au corps, ce n’était pas moins brutal.

Il est important de distinguer sexe, genre et sexualité. Ce sont trois sujets, trois problèmes différents.
C’est difficile d’être catégorique parce que c’est un sujet sensible voire polémique. On rentre dans des problématiques liées au patriarcat, au féminisme. Il y a des gens qui ont perçus la pièce comme une exaltation phallocrate alors que ce n’est pas le cas. Je la pense comme une exaltation de puissance, de vie. Peut être éjaculatoire, je n’en sais rien.
Il y a quelque chose d’extrême, que je vois comme un code hétérobeauf qui devient très sensuel voire sexuel. On part d’un truc ridicule pour aller vers des gens qui éprouvent leurs corps, leurs peaux, leurs muscles et ça en deviens sensuel. Cette sensualité, ce désir peut aussi s’éprouver avec quelque chose qui n’est pas dans la finesse. Et pour moi il y a une finesse de ne pas être dans la finesse !

Vous êtes heureux de faire Avignon ? Qu’est ce que ça vous apporte ?
Evidemment. C’est une chance inouïe pour moi qui suis un jeune chorégraphe. C’est une très belle opportunité pour moi mais surtout pour la pièce. C’est l’occasion de la faire jouer, de la faire vivre. On commence à trouver comment ça devient une chose, comment on navigue là dedans avec encore plus de plaisir. Rien que pour ça, c’est une chouette expérience. Et c’est l’opportunité en 10 jours de rencontrer énormément de professionnels. Ce que j’attends c’est d’intéresser des gens à mon travail. Je ne suis pas là pour vendre ma pièce mais j’ai envie de rencontrer des gens qui ont vu mon travail et avec qui on peu collaborer. Trouver des gens qui ont envie d’accompagner. C’est ça qui m’intéresse.

Entretien réalisé par Bruno Paternot

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