LE BRUIT DU OFF

LEBRUITDUOFF – 15 juillet 2016.

« Démons » – mes : Lorraine de Sagazan – Manufacture – du 6 au 24 juillet à 19h40.

Inspirée de la pièce de Lars Noren, Lorraine de Sagazan met en scène Antonin et Lucrèce, un couple enfermé dans son appartement, incapable d’en sortir. Ils s’aiment et se déchirent, leur acharnement à se haïr devient leur seule façon de vivre et d’exister.

Lorraine de Sagazan immerge le public dans la pièce par un système bi-frontal et l’invite ainsi à participer à la fête donnée par le couple. Les deux comédiens prennent appui sur les spectateurs, comme le ferait un couple se déchirant sous les regards médusés de voisins ou amis invités à boire un coup. Le tourbillon des mots acides et des piques que s’envoie le couple plonge le spectateur dans un réel malaise tant le jeu oscille entre théâtre et vérité. Chacun peut scruter le regard des spectateurs d’en face, parfois gênés, riant franchement ou jaune lorsque les mots des deux comédiens font vibrer une corde plus personnelle. Ces deux personnages ne sont pas des monstres mais juste un couple happé par la solitude et qui n’a pas trouvé d’autre moyen pour exister encore que de se déchirer. Leur manège va crescendo, toujours à la limite de la rupture, rendant palpable la tension dans un public balancé sans cesse par la metteuse en scène entre rire et gêne dissimulée.

Antonin Meyer Esquerré excelle dans ce rôle de pervers narcissique mettant tout le monde dans sa poche, tantôt doux, tantôt odieux et hâbleur, un homme qu’il est difficile de ne pas aimer. Face à lui, Lucrèce Carmignac apparaît tel un ange mais tout aussi pervers que lui, d’un semblant plus fragile mais tout aussi machiavélique. Ce couple fait tout et se joue de nous afin d’exister dans ce huit clos étonnant.

Inutile ici de dévoiler toutes les ficelles de ce spectacle réjouissant qui place encore une fois la Manufacture et sa programmation dans le haut du panier de ce festival.

Pierre Salles