AVIGNON OFF : « ÇA FROMET ! EN TRIO », QUI HAIT BIEN, CHÂTIE BIEN
LEBRUITDUOFF.COM – 14 juillet 2017
Frédéric Fromet – « Ça Fromet ! En trio » – Musiciens : François Marnier et Rémy Chatton – Théâtre Au Coin de la Lune – à 20h15 – Tous les jours jusqu’au 30 juillet
Qui hait bien, châtie bien !
Après 10 ans à faire le OFF en variant les théâtres, Frédéric Fromet décide d’arpenter les rues de la cité, avec sa chanson « In / Off ». Ce qui lui vaut en 2013 d’être invité au Septante-Cinq Minutes, en direct sur France Inter. Ce qui lui vaut d’être réclamé par les auditeurs. Ce qui lui vaut de revenir tout l’été. Les Belges de France Inter et lui ne se quitterons plus, et c’est donc dans « Si tu écoutes j’annule tout » leur émission quotidienne aux audiences record pour cette radio, que le chansonnier sévit désormais une fois par semaine.
La crainte légitime de tout auditeur devenu spectateur est de se retrouver devant un Best-Off radio avec rien de neuf à se mettre sous la dent. Or, et bien que 80 % des chansons soient écoutables sur Internet, l’affaire est largement assez bien menée pour que tout le monde y trouve son affaire.
Frédéric Fromet est un chansonnier, et avec sa guitare il dépeint, décrit, descend, dézingue tous ceux qui passent devant lui, alternant entre reprises de chansons populaires et compositions originales. Et l’équilibre y est très habile. Quand il débarque avec un T-shirt d’ACDC, est rejoint par un accordéoniste et un claviériste et parodie du Renaud, ses cibles (chanteurs comme spectateurs) semblent les plus âgées dans la salle. Et quand la confiance de ses fidèles est scellée, il attaque les autres qui auraient pu se sentir mis à l’écart. Saez, NTM, Anaïs, puis Fauve ou Stromaë, ses choix se rapprochent de plus en plus du présent pour accrocher sur son passage de plus en plus de jeunes, qui rigolent en cœur l’air agréablement surpris ou pensant que ce qui était bon devient très bon.
Quant au fond des paroles et des jeux de mots entre, il touche l’actualité économique et politique, il critique le silence sur les morts en Syrie, tente de faire partir les électeurs FN qui auraient pu se perdre à son spectacle, se fout de la gueule des génériques opaques de France Culture et critique en général le caractère absurde de nos vies. Pour n’en citer qu’une, des plus softs, mais qui me parle beaucoup « Je travaille en free-lance, / Dans l’évènementiel. / C’est du boulot tu penses… / Préparer des cocktails… »
Un peu à l’instar d’un Renaud (avant l’excès de pastaga), il est pour tout ce qui est contre, et contre tout ce qui est pour. Et comme chez Renaud, le systématisme de l’attaque devient une mauvaise fois acceptée par tous de manière tacite comme une marque de fabrique. Et quand il parodie des chanteurs de manière assez sévère, l’hommage n’est surement pas très loin.
Et je pense que cet aspect est essentiel pour apprécier la bête et éviter de se braquer sur des infos lancées en chanson. Car sinon, nous pourrions revêtir son systématisme et objecter qu’une place à la Cour d’honneur ne coute pas 100 balles et que le tarif -26 est 4€ plus cher pour son spectacle que pour n’importe quel lieu du In.
L’idée d’un tel concert semble donc plus tenir de la communion cathartique et auto-dérisoire entre les êtres de gauche que de l’étude critique de la société.
Baptiste Rol