« ANDY’S GONE », UNE ANTIGONE PUNK QUI DECOIFFE

« Andy’s Gone » – Villeneuve-lez-Avignon au placé du Cloître, festival Villeneuve en scène ; du 10 au 22 juillet à 19h

« Andy’s Gone », une Antigone punk qui décoiffe

Décidément « Antigone » est à l’honneur pour cette 71ème édition du Festival d’Avignon. Après avoir été accueillie en grande pompe dans la prestigieuse Cour du Palais des Papes où Satoshi Miyagi livra une très belle version liquide de la pièce de Sophocle, c’est au tour d’un espace ouvert – certes beaucoup plus modeste, trois murs, une palissade et le bleu du ciel – lové au cœur de la belle cité médiévale de Villeneuve les Avignon, d’en offrir une version acoustique. Très librement inspiré de la tragédie antique, le texte écrit par une jeune auteure québécoise – Marie-Claude Verdier – trouve dans le contexte géopolitique actuel la source du conflit entre raison d’état et valeurs personnelles.

Julien Bouffier met en jeu ce drame contemporain en projetant les protagonistes (Régine, écho du Roi Créon, et Allison, l’Antigone de 2017) dans un espace nu seulement occupé dans un angle par trois néons lumineux disposés en H (autel érigé pour Henry ou Andy, fils suicidé, réplique de l’Hémon antique). Le corps à corps très convaincant des deux actrices – Vanessa Liautey à la fois hiératique et sensible dans le rôle de la reine, et Zoé Martelli dans celui d’une jeune adolescente révoltée, piercing au nez et cheveux bleu-vert hérissés – se trouve « amplifié » par le dispositif sonore original qui accompagne leur jeu. En effet chaque spectateur, muni d’un casque, peut à sa guise choisir d’entendre la version donnée alternativement par la reine ou la jeune-fille, ou, déposant son casque, écouter oreilles au vent la version donnée par l’autre actrice.

Ainsi, entend-on la reine proclamer l’état d’urgence liée à des tornades exceptionnelles, une tempête tropicale transformée en ouragan, imposant à chaque citoyen de rester confiné chez lui. Puis, micro coupé, elle s’adresse à des policiers pour leur demander s’ils « l’» ont repérée : « Elle » vient de mettre le feu au drapeau érigé sur la tombe d’Henry, « elle » saute du mur des remparts… La reine pleure son fils, mort ce matin en héros et enterré sur le champ. Alors s’élève la voix d’Allison, discordante avec le discours officiel : Andy est mort pour avoir refusé la loi, Henry est devenu Andy, un être nouveau. Ses idéaux de justice, c’est lui qui lui a appris. Elle, elle était Ali, le rebelle qui s’en était tenu à ses idéaux même s’il dut en payer le prix par la perte de son titre de champion du monde. La reine lui rétorque qu’Henry a été enterré et que tout est désormais « en ordre »… Un ordre incompatible avec les idéaux de justice portés par l’adolescente.

Allison révélera les raisons du suicide d’Henry, ces migrants auxquels la Reine – sa mère – interdisait le droit de se réfugier dans la Cité, ces migrants traités comme des voleurs, des criminels, des malades contagieux… L’affrontement entre les deux femmes – celle qui croyait aux intérêts supérieurs de la Cité, celle qui croyait aux valeurs supérieures de l’Humanité – ira jusqu’à la confrontation physique. Et lorsqu’Allison sera bannie de la Cité par celle qui refuse de lui laisser son trône, elle deviendra la cible vivante des gardes.

Cette forme, proposée dans le cadre du festival Villeneuve en scène, présente des atouts indéniables. Outre la parfaite adéquation du choix des actrices à leur rôle, l’ingénieux dispositif sonore immersif apparaît à l’expérience fort percutant en donnant un intéressant relief au conflit ancestral détourné de son objet initial. En effet, autour du problème des migrants, il s’agit là « d’entendre » l’opposition entre la dure loi de gouverner les hommes avec des raisons d’adulte et les aspirations généreuses d’une jeunesse éprise de liberté et de justice. La transposition du mythe d’Antigone – Andy’s Gone – dans notre contemporanéité ne manque donc pas de pertinence. Cependant, si l’écriture a elle aussi ses moments de grâce, elle n’échappe pas à quelques reprises à la tentation très actuelle de coller au langage ado dans une intention que l’on comprend – créer un effet de vérité – mais qui in fine peut apparaître assez conventionnelle.

Yves Kafka

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