« AU BOUT DU MONDE », OLIVIER ROLIN VERSION DANIEL MESGUICH

LEBRUITDUOFF.COM – 22 juillet 2017

Avignon Off : Au bout du monde – Mise en scène : Daniel Mesguich – Théâtre du Chêne Noir à 12h15 jusqu’au 30 juillet (relâche le 24 juillet)

C’est sans doute la nuit dans une ville du Nord touchée par la crise. Un voyageur entre dans un café désert, un lieu public comme il en existe tant. Pour rompre l’ennui et ce silence oppressant, cet énigmatique voyageur entreprend de raconter d’étranges histoires à la jeune serveuse. Il évoque avec importance un trou qu’il a creusé dans son jardin, il disserte sur les vers de terre devant la jeune femme un brin déconcertée. Le sujet est futile, comme un pur prétexte à la parole, mais ces propos relèvent d’une profonde analyse et démontrent une grande érudition. La serveuse, un peu agacée mais intriguée par ce curieux personnage, noue peu à peu le dialogue. Les sujets deviennent plus profonds, plus intimes. Chacun dans son monde et avec son langage évoque ses passions, ses rêves, ses frustrations. Le voyageur est un homme cultivé, qui a beaucoup lu, beaucoup voyagé, il erre, en attente d’un coup de fil qui sonne constamment dans sa tête, à la recherche de la femme qui l’a quitté mais qu’il aime toujours. La serveuse rêve d’ailleurs, de découvertes, de fuir ce pays gris qui se meurt. Chacun s’évade dans ses rêves et entre progressivement dans le monde de l’autre. Ces deux personnes que tout oppose finissent par s’apprivoiser, se comprendre et se séduire dès lors qu’elles expriment des rêves et des sentiments profonds.

Mais ce café, devenu l’espace d’un instant un lieu de rêve, de poésie, d’empathie réciproque, n’est pas si à l’abri que ça du monde extérieur et de notre environnement quotidien. Ce dialogue est fréquemment interrompu par une télévision inquisitrice qui trône dans le café, une télévision qui est si prégnante qu’elle contient un acteur en chair et en os qui déblatère ce langage vulgaire et appauvri qui fait le quotidien de certaines émissions sportives ou de téléréalité. Une télévision que nos deux rêveurs voudraient bien faire taire mais qui revient inexorablement, comme une agression de cette quotidienneté de l’existence à laquelle nul n’échappe.

Pour Daniel Mesguich, cette pièce d’Olivier Rolin est beaucoup plus que la rencontre et la séduction mutuelle de deux personnes d’univers différents, c’est avant tout une pièce sur le langage. Il y a trois langues que tout oppose : la langue livresque et érudite du voyageur, celle du parler populaire et quotidien de la serveuse et celle de la télévision, vulgaire et invasive. « Trois langues qui sont la France et l’Europe d’aujourd’hui » dit-il.

La mise en scène de Daniel Mesguich, qui interprète en outre le voyageur avec sa voix envoûtante et limpide, est raffinée, profonde et poétique. La jeune serveuse est interprétée par Sterenn Guirriec avec beaucoup de naturel et de spontanéité et les interventions de l’acteur-télévision, Alexis Consolato, qui ponctuent le spectacle, sont particulièrement bienvenues et jubilatoires.

Nous découvrons ici un beau texte d’Olivier Rolin admirablement interprété et mis en scène et une réflexion sur la communication et le langage, des sujets bien mis à mal aujourd’hui.

JLB

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