AVIGNON OFF : « LA REUNIFICATION DES DEUX COREES », C’EST PAS GAGNE !
LEBRUITDUOFF.COM – 22 juillet 2017
Les Ateliers d’Amphoux ; » La Réunification des deux Corées », mise en scène Denise Schröpfer ; du 10 au 30 juillet à 13h45.
C’est pas gagné d’avance !
Prendre comme base de lancement de sa proposition théâtrale le très beau texte de Joël Pommerat ayant pour objet – accrocheur s’il en est – les vicissitudes du couple balloté par les fluctuations du sentiment amoureux, comporte un avantage substantiel (le texte et son auteur possédant à eux seuls un indéniable capital attractif propre à propulser illico presto le spectateur dans la salle) tout autant qu’un risque important… En effet, si l’adaptation ne décolle pas suffisamment, c’est pour la compagnie le crash assuré. Dans le cas présent, la mise en scène de Denise Schröpfer, sans aller jusqu’à l’écrasement au sous-sol, manque singulièrement de fulgurances. On aurait plutôt l’impression d’assister à un travail amateur, très appliqué certes, mais qui in fine retombe à plat en laissant sur sa faim le quidam ayant nourri d’autres espérances à la lecture de l’affiche.
Défileront une heure et demie durant une dizaine de saynètes mettant en jeu de manière parfois cocasse (cinq sœurs découvrant le jour du mariage de l’une d’entre elles que le marié les a toutes « embrassées », et plus si affinités ; ex s’invitant dans la maison dont il a conservé précieusement « un trousseau de clefs » par devers lui – toute interprétation psychanalytique sur la symbolique du trousseau et des clés ne serait en rien… fortuite ; curé à la libido exigeante collectionnant innocemment les amantes), parfois grinçante (future divorcée exprimant haut et fort son espoir de renouer un jour avec son futur-ex… pendu derrière elle ; prostituée baissant ses tarifs… par « désir »), parfois plus grave (maître d’école revendiquant mordicus son « amour » pour un élève abusé par lui, face au désarroi et à la colère des parents ; jeune femme atteinte d’Alzheimer précoce « découvrant » en HP son attirance sexuelle pour un homme venu lui rendre visite… son mari, qu’elle ne reconnaît pas).
Reliant entre elles ces « mises en pièces » burlesques, tragi-comiques, ou tragiques de l’amour dans tous ses états, l’apparition ponctuelle d’une cantatrice chantant aussi bien des airs d’opéra que des chansons populaires viendra – en guise d’interlude – scander de sa belle présence sonore et visuelle le passage d’une situation à une autre. Quant à « la réunification des deux Corées », métaphore illusoire d’un désir de fusion porté par l’homme et la femme séparés à jamais par l’impossibilité de l’amour, ces fragments d’un discours amoureux suggéreront – du moins dans le texte initial – que, sauf cas de folie, la recherche de la part manquante (figure du paradis perdu de l’Androgyne, Platon) reste bel et bien de l’ordre d’un fantasme mais ne peut satisfaire la réalité du vivant. En effet, à l’instar de la fission nucléaire, seule la non-fusion des deux moitiés en un seul noyau est « de nature » à produire dans le couple non fusionnel une énergie sans cesse renouvelée, garante de la survie de l’espèce.
Tous ces questionnements sur ce qu’aimer veut dire – en filigrane dans le texte de Joël Pommerat – sont ici grandement passés à la trappe au « bénéfice » d’une mise en jeu qui privilégie, y compris pour les épisodes « tragiques », le point de vue du divertissement spectaculaire. La direction des comédiens les amène en effet à endosser le vêtement des personnages de vaudeville plus qu’à rechercher en eux – par l’intermédiaire d’un jeu plus distancié, ouvrant l’espace à des interprétations plurielles – un questionnement sur l’objet même du désir, dénommé abusivement « amour ». Cependant, malgré ces réelles réserves, on ne peut nier qu’il s’agisse là sans doute d’une étape aussi nécessaire qu’intéressante dans un travail apparenté à celui d’un Atelier Théâtre dont le sérieux n’est aucunement en cause. Dans ces dispositions, des marges de progression ouvrant à d’autres perspectives existent… et c’est tant mieux.
Yves Kafka
Je vous trouve bien indulgent. Il faut souligner que les comédiens sont réellement amateurs (adhérents à la fntca), ce qui en soit n’est pas le problème mais il est bon de prévenir les spectateurs qui vont acheter leur place (et dans ce cas, c’est du très mauvais amateurisme). La metteuse en scène n’a rien compris à Pommerat, elle en a fait un très mauvais boulevard, les comédiens sont mauvais et elle a ridiculisé la chanteuse en la mettant en scène de la sorte. Les costumes sont grossiers (instituteur en blouse grise !), la mise en scène vulgaire, les « comédiens » surjouent, le salut de 2min30 en costume de cérémonie est le climax de la nullité et du mauvais goût.
Merci pour votre commentaire. Non, on est pas indulgents, d’ailleurs ce programme figure dans nos « Je fuis », ce qui en est le signe. Simplement notre chroniqueur est plutôt modéré, au vu de la spécificité amateur, justement, de ce « ni fait ni à faire ».