« AU COEUR DES TENEBRES », MAIS PAS AU COEUR DU SUJET
LEBRUITDUOFF.COM – 26 juillet 2017
Avignon off : « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad – mise en scène : Michel Raskine – Théâtre du Petit Louvre à 18h00 jusqu’au 30 juillet (relâche le mardi).
Cette adaptation par Joël Jouanneau du roman de Joseph Conrad « Au cœur des ténèbres » nous plonge au cœur de l’aventure à l’époque mythique des découvertes de terres inexplorées, d’une nature sauvage et hostile et sans doute à la découverte intérieure de soi-même.
Le texte est une narration à la première personne du capitaine Marlow, jeune officier britannique chargé de retrouver Kurtz, collecteur d’ivoire et chef de comptoir au cœur de l’Afrique noire, dont on est sans nouvelles.
Marlow se lance donc dans une remontée du fleuve Congo et découvre progressivement une nature vierge, menaçante, éloignée de toute civilisation dans une expédition qui devient vite un voyage initiatique. On découvre au fil du récit l’âpreté et la férocité de la vie sauvage, les ravages du colonialisme et un Kurtz inquiétant mais fascinant que la domination coloniale et cette vie primitive et sauvage ont transformé en un tyran capable d’aller jusqu’au bout de l’horreur.
En prologue de ce récit, Michel Raskine nous propose « Le Bateau ivre » d’Arthur Rimbaud interprété avec souffle et passion par Thomas Rortais, choix judicieux tant les images et la poésie de ce poème sont en symbiose avec ce voyage dans l’inconnu. Dans la foulée, le récit de cette aventure est interprété avec talent par la comédienne Marief Guittier qui, dans un rôle de travesti, incarne le capitaine Marlow.
Cette pièce vaut par son texte et par la belle narration de Marief Guittier. Toutefois l’interprétation est continue, linéaire et pourrait plutôt se concevoir comme une lecture passionnante et stimulante pour notre imagination. L’intérêt essentiel de la pièce est dans l’écoute et on pourrait la savourer pleinement les yeux fermés en faisant fonctionner notre machine à rêves. Elle ne gagne pas grand-chose à être mise en scène dans un format théâtral. Le choix du décor confirme cette impression : constitué d’un empilement de trois praticables de scène qui évoquent plus un environnement industriel qu’un bateau ivre sur le Congo, il peine à nous faire imaginer ce fleuve sauvage et cette nature luxuriante et primitive et le globe terrestre posé devant la comédienne n’y parvient pas non plus.
Par ailleurs compte tenu du jeu plutôt statique de la comédienne et du format de la pièce (un peu moins d’une heure), le choix d’une scène plus intime aurait été plus judicieux que la Chapelle du Petit Louvre aux trois quarts vide.
Ce spectacle laisse donc une impression mitigée. La magie du texte et de son interprétation opère mais la nature de ce texte et cette mise en scène en particulier ont du mal à réunir tous les ingrédients d’une bonne pièce de théâtre.
JLB
Photo Michel Cavalca