« LA TERRE D’HAVEL », AIMER L’AUTRE PLUS QUE TOUT
AVIGNON OFF : « LA TERRE D’HAVEL » – Cie Terre Contraire – Chapelle de l’oratoire – Du 13 au 28 juillet – Relâche 23 juillet.
Vaclav Havel place le débat sur la responsabilité de chaque individu à revendiquer leur droits, tels que ceux édictés dans la charte 77, niés et bafoués allègrement par les responsables politiques en place.
Dissident engagé dans la lutte pacifique contre un pouvoir étatique qui annihile toute possibilité de contestation, il écrit : « derrière une apparence de normalisation, vous avez installé le règne de la peur, du mensonge et de la corruption à tous les niveaux. Vous assurez la ruine du pays en étouffant la création et en voulant, à terme, abolir toute mémoire collective, toute vie sociale autonome pour régner sur un peuple anesthésié et une société désintégrée. Cela, nous le refusons. »
Sur scène : Vaclav Havel, joyeux de découvrir dans un journal français un compte rendu sur les signataires de la charte 77, s’amuse à taquiner sa femme Olga, sûr que l’impact de cette nouvelle sera relayé par un plus grand nombre et susceptible de faire plier la politique d’oppression des dirigeants de son pays.
La mise en scène, parfaite, réunit Havel et Olga dans un décor pour « cinq espaces imaginaires »: appartement, prison, parloir, tribunal et tribune présidentielle.
Caricature effrayante de la justice, du juge, interprété par Hervé Reboulin dont les diatribes acerbes, haineuses, acrimonieuses sont rendues avec une touche de cynisme, s’estime être celui qui fait la renommée du prisonnier. Moments jubilatoires dans une atmosphère sordide.
Nous assistons à l’enfermement du prisonnier Havel/ Arnaud Vervialle, époustouflant de vérité dans son habit de prisonnier politique. La torture mentale impulsée par sa privation de liberté, de soins, sa résistance amenuisé, mais ses idéaux conservés intacts, même s’ils paraissent au cours de rares visites au parloir, mettent à mal la résistance de sa femme, Olga/ Cécile Cormeraie. Elle aussi est dans la souffrance. Elle admire son mari de tant d’abnégation.
A peine sorti des geôles du pouvoir corrompu, Havel y retourne. Des informations sur les signataires de la charte des 77 sont parues. Havel en est l’un des signataires et porte paroles des dissidents. Libé n’est qu’un prétexte, un de plus. Malgré la souffrance de ce nouvel enfermement – admirablement rendu – Havel ne rompt pas. Il sait les privations, les humiliations, le caractère inique de sa nouvelle incarcération dont le juge, sentant le vent tourner, ( hilarant) propose au prisonnier de faire une liste, pour un cousin en voie d’être inquiété par la justice, qu’il signera ! peut-être ?
Le greffier, musicien /Cyril Despontin, est aux ordres. Lui, exécute sans trop se poser des questions…sa guitare est sa conscience, sa parole. Sa partition musicale, son phrasé, raccord, souligne à merveille les scansions des actions qu’il met en action et du discours politique sous-jacent.
Vient la libération, célébrée avec Olga. Son élection en tant que président de la république. Olga , son amour, sa muse, son double est morte.
Ce qui a passionné Vaclav Havel, c’est l’amour qu’il porte à la culture ; sans elle point de salut pour l’individu. Son engagement, son énergie, ces mêmes forces contenues et qui se résolvent. Cette passion pour l’humain, la justice, est irrévocable. Il en paiera, à partir de cette prise de position en 1977, cinq années d’emprisonnement.
N’attendez pas, cessez vos occupations et allez voir, entendre, admirer cette compagnie de COMÉDIENS, vrais acteurs, impliqués, « habités » par un texte d’une tension dramatique, inouï. Ça prend aux tripes. Vous en ressortirez abasourdis de tant de talents et, cerise sur le gâteau, revivrez un moment important de la vie de cet Homme, Vaclav Havel, dont le seul tort fut d’aimer, aimer, aimer l’autre plus que tout.
André michel Pouly
La charte 77 est une pétition des dissidents opposés au processus de Normalisation de la société. Elle est une communauté informelle, unis pour faire respecter les droits de l’homme et du citoyen. Elle est signé à Prague le 1er janvier 1977. Jan Patocka, Vaclav Havel et Jiri Hajek sont mandatés pour en être les porte-parole.
Vaclav HAVEL, n’est pas seulement un dramaturge, essayiste, auteur de nombreuses pièces de théâtre, prisonnier politique, homme d’état tchécoslovaque puis tchèque, Président de la République fédérale tchèque et slovaque, il est une conscience.
L’écrivain Milan Kundera a qualifié d’œuvre d’art la vie de celui qui, en 1989, dans la révolution de Velours, met un terme au régime communiste.,
Magnifique spectacle de sincérité et de passion porté par des acteurs excellents. Chacun dans son rôle traduit de façon magistrale la vérité de son personnage. Le spectacle vous habite longtemps après l’avoir vu . Si vous avez la chance de le voir dans votre ville et d’entendre les mots et la musique qu’il porte, n’hésitez pas .
C’est beau. C’est fort. C’est émouvant. Là des hommes résistent à l’autoritarisme et à l’arbitraire : belle image de la noblesse humaine .