« PARC » : LA CULTURE DU DIVERTISSEMENT DE MASSE EN QUESTION

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lebruitduoff.com – 12 juillet 2021

AVIGNON OFF 2021. « Parc » – Collectif La Station – Au théâtre des Doms – Jusqu’au 27 juillet à 18h05

Dans un parc aquatique le show va démarrer. Quatre dresseurs en combinaisons de plongée moulantes s’agitent dans les coulisses. On prépare les poissons, les cerceaux, les accessoires pour la représentation. L’un d’entre eux, Lars, se présente alors au public et explique son métier, sa passion pour la biologie et son rôle dans le spectacle avec l’orque Tatanka. Il est ensuite rejoint par ses collègues, Anke, Nicolaï et Kania. Tous excités et heureux de parler de leur métier qui fait rêver tous les enfants.

Ça va être le moment de démarrer. Laora, la cheffe de troupe dynamique au caractère bien trempé rejoint son équipe pour un dernier briefing avant de se lancer. Aujourd’hui, sa mère et sa sœur sont autour du bassin, il ne faut pas les décevoir. Dernières remarques, derniers conseils, la musique se lance et c’est parti : on entre en scène, ou plutôt, on sort de scène. Les spectateurs sont dans les coulisses, tout le show se passe donc en hors-champ. On peut suivre les allées et venues des personnages entre les vestiaires et le bassin poursuivant en rythme une chorégraphie presque clownesque, mais qu’ils connaissent bien. Tout à coup, la cadence change, les visages se crispent, quelque chose de grave se produit… « et là, c’est l’accident », Laora a été dévorée par l’orque Tatanka.

Dans la suite de la pièce on change de ton. On retrouve l’équipe dans les vestiaires le soir après la représentation. Et puis cinq ans plus tard lors d’une cérémonie en hommage à Laora. Ce dont le spectacle veut parler, c’est de l’après. Comment réagit-on face à ce genre d’évènement ? Comment appréhende-t-on ce métier dont on a toujours rêvé depuis l’enfance quand du jour au lendemain tout s’écroule ?

Alors que le début de la pièce, dynamique et burlesque, laissant une grande part à l’imagination grâce à l’usage du hors-champ était très prometteur, la suite perd un peu de sa singularité. Les deuxième et troisième actes se concentrent sur le traumatisme, le choc et la désillusion que ressentent les personnages. Ils se retrouvent notamment la nuit, après le show dans les coulisses et ont des comportements bizarres. L’un ne cesse de manger, l’autre ne cesse de ranger, la troisième ne cesse de parler tandis que la dernière reste immobile et muette. C’est dans la suite que plusieurs problèmes de cohérence et de vraisemblances se posent. Que font-ils là seuls la nuit après un tel accident ? La relation entre les personnages n’est pas claire ; certains actes radicaux et insensés restent sans explication logique ; des éléments sont amenés par-ci par-là (le seau de lambeaux, la voix de Laora dans le Talkie-Walkie) sans jamais être développés dans la suite.

Une petite frustration naît de cet entre-deux dans lequel reste tout le spectacle, pas tout à fait absurde, pas tout à fait noir, pas tout à fait drôle, pas tout à fait sérieux. On regrette un choix clair d’esthétique et de ton qui aurait donné plus de poids au traitement du sujet.

Tout au long de la pièce, une grande attention est mise sur la création d’ambiance grâce à l’usage de ressorts cinématographiques tels que les bruitages sonores, la musique et la lumière (qui restera notamment longtemps en clair-obscur). Dans le jeu des acteurs, on tente aussi de laisser vivre les silences pour amener une ambiance pesante, parfois même jusqu’à l’excès.

Il reste tout de même que le spectacle pose question sur cette culture du divertissement et de son prix. La thématique abordée est insolite sur une scène de théâtre. Elle remet en question ces pratiques considérées comme « fantastiques » dans l’opinion publique mais qui consistent à enfermer un animal entre quatre mur en lui donnant à manger, définition d’une prison. Face à la destruction brutale des rêves d’enfants, quand les paillettes laissent place au goût du sang, désemparés, désorientés, les personnages réalisent les enjeux futiles de leur propre métier.

Sophie Decaestecker,

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