« TARTUFF’RIES », DE L’USAGE DE LA BOUFFONNERIE
lebruitduoff.com – 15 juillet 2021
AVIGNON OFF 2021. « Tartuff’ries » – écrit et mis en scène par John Bodin et François Manuelian – au Théâtre des Corps Saints à 15h00.
Le Tartuffe parle à haute voix, c’est un monstre mi-homme mi-personnage qui a croupi vingt ans emprisonné. L’oeuvre a mûri, il a réfléchi à ses actes. Tartuffe puissant n’est point innocent, lorsqu’il prépare son évasion.
La pièce commence dans l’obscurité d’un soleil monarchique. Elle finit dans les diverses parties d’ombres d’aujourd’hui. On y parle de roi, de foi et de femme sans censure. Tout se joue au rythme de la contre-basse de Thierry Leu.
La folie du génie est bien vivante lorsqu’elle se joue sur cette scène, l’acteur arrive à se perdre dans les sombres rouages de la vraie pertinence. Son compagnon de scène y répond avec grâce. La cellule de l’homme incompris est rendue, en marge d’une écriture splendide en alexandrins, mais sa poésie n’en est pas limitée. Si bien qu’elle touche à nos expressions et notre histoire contemporaine.
Le franc parlé de ce cher prisonnier peut lui coûter ses éloges. Mais il ne s’en soucie guère, il dit ce qu’il veut quand il le peut. Ça reste beau à entendre même lorsque ça provoque la gêne. Une tête coupée, les femmes vers égalité, il ne s’agit que de jouer avec la réalité.
Ajoutez à cela le rire provoqué, la moquerie saine, la satyre simple et vous en oublierez le bruit de chaînes. Quand sur le qui-vive vous vous impatientez, vous cherchez vous même à réaliser la libération de Tartuffe. Vous oubliez le décor et lui se lasse, rendu amer par la folie de nos jours ou par les vingt-ans opprimés.
La dernière visite est un simple écho, celui qui tient l’idée nouvelle d’un monde meilleur est celui qui perdure. L’écrit même lorsqu’il se personnifie meurt de la pénombre. Le vrai virtuose se trouve de l’autre côté de la plume.
Etienne Solenn