« PREMIER AMOUR », UN BECKETT BIEN SERVI
lebruitduoff.com – 26 juillet 2021
AVIGNON OFF 2021 – « Premier amour » De Samuel Beckett – Mise en Scène de Jean-Michel Meyer – au Théâtre des Halles du 7 au 30 juillet à 11h00.
Pour qui aime le théâtre ce texte de Samuel Beckett est souvent perçu comme une sorte de madeleine vers laquelle il est doux de revenir de temps en temps. Conçu en 1999 ce spectacle n’a pourtant pas pris une ride. Comme exigé par le légataire de Samuel Beckett, ici pas de décor ni de superflu. Seul sur scène avec son chapeau et une vieille chaise,
Jean-Quentin Châtelain incarne de sa voix profonde et vacillante cet homme errant après la mort de son père qui tombe sur l’amour au coin d’un banc. Deux âmes esseulées, elle est prostituée et va le loger, lui laisser faire son trou, chez elle.
« Premier amour », fiction largement autobiographique et première nouvelle de Beckett écrite en français, respire la facétie des mots et d’une langue que découvre l’auteur. Tout n’est ici que pirouettes et l’on ne peut qu’être entraîné avec le comédien dans ces dédales, souvent loufoques mais toujours d’une justesse absolue, sur notre évidentsolitude face au monde.
Jean-Quentin Châtelain, criant de vérité avec son chapeau vissé sur la tête et son air parfois moqueur parfois naïf, nous prend à partie et nous plonge peu à peu avec lui dans le labyrinthe des pensées de Beckett. Tout est dit, du tragique de nos existences à la légèreté nécessaire à la survie . Le comédien investit la scène de sa seule présence, nous prend comme témoin. Les mots de Beckett sont tout à la fois nonchalants, drôles et acides, le comédien jongle avec eux comme avait su le faire l’auteur. Les idées et les images s’enchaînent et s’entremêlent avec virtuosité sans jamais perdre un public conquis et attentif. Beckett nous parle, directement, frontalement, et cet homme seul sur scène, errant dans ses pensées des plus loufoques au plus noires, nous entraîne avec lui et nous tend un miroir.
Un spectacle a découvrir ou revoir sans plus attendre.
Pierre Salles