« VISIONS D’ESKANDAR », HISTOIRES D’EAUX

eskandar

lebruitduoff.com – 26 juillet 2021

AVIGNON OFF 2021. « Visions d’Eskandar » – Texte et mise en scène : Samuel Gallet – au 11 jusqu’au 29 à 11h40.

Deux événements bousculent un matin la tranquille piscine municipale d’une petite ville : un architecte y fait un arrêt cardiaque et manque de se noyer, une caissière tente de se suicider. L’expérience de mort imminente qu’ils font les amènent à se rencontrer au cœur d’un milieu, d’un entre-deux, ce n’est pas un Purgatoire, c’est Eskandar, qui fait saigner sans douleur leurs blessures sur leurs longues robes d’hôpital. Les souvenirs au sein desquels la caissière Everybody et l’architecte se connaissent – souvenirs oubliés et qui n’ont certainement jamais existé – sont enfermés dans des photos transparentes, à l’image de l’eau, qui s’étalent joliment sur le plateau. Depuis le seuil où ils flottent, ils peuvent voir à travers les deux mondes réels et rêvés qui le bordent, imaginer que la piscine déborde d’elle-même jusqu’à devenir fleuve, que leur vie minuscule, insignifiante se dépasse quelque part d’autre. « Un fleuve grandit à l’intérieur d’une femme, il faut que je me lave » c’est Everybody qui le dit, madame tout le monde qui s’échappe du monde quand elle n’est plus dans aucun monde.

Leurs rêves s’achèvent peut-être quelque part d’autre, dans de nouvelles vies, souvent portées sur scène par les deux musiciens. Au micro à Cour, ou au centre lorsque ce sont les comédiens qui parlent, les murmures grésillants nous font voguer de répondeurs en répondant, et l’on découvre une myriade de vies parallèles. Une femme amoureuse et jalouse ralentit désespérément le compte à rebours au bout duquel elle a juré de se tirer cette balle dans la tête, des groupes militants organisent par bribes leurs techniques de défense contre les fascistes, Everybody fantasme sur le gros maître nageur ou se plaint de cette femme qui emprisonne des heures durant son oreille et ne pose aucune question à sa bouche, bref, il y a de tout, de rien, et même une vertigineuse digression sur le rapport complexe entre cambrioleurs, propriétaires et locataires.

Ces marges sont finalement plus intéressantes que l’histoire principale qui s’effiloche un peu parfois. Toutes ces voix hors des voix, hors de ces deux voix lourdes qui disent encore et encore leurs derniers mots, ceux qui sonnent comme les premiers, comme des révélations, comme des finalement je n’ai pas su vivre, si donc les voix dans les marges et les échos sont moins ennuyeuses c’est qu’elles sont portées par deux merveilleux musiciens déchaînés au violoncelle et à la contrebasse. Style Metronomy, voix graves, assurées, authentiques, et danses complètement barrées, bravo, merci ! Le flottement entre vie et mort qui est le thème de la pièce aurait eu besoin d’une bouée, alors qu’à propos de ce qui flotte tout autour de ce flottement on aurait aimé voir un peu plus d’encre couler et de corps nager, s’engager, comme ils font au début, les trois bons comédiens quand même, papillon, crawl, brasse, dos, et moi je n’aurais pas tourné le dos et fait dodo dans cet endroit étrange qu’est Eskandar, j’aurai vu, vraiment bu, avec tous les spectateurs qui ont adoré ces « visions ».

Célia Jaillet

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