« MON VISAGE D’INSOMNIE » : QUELQUES SOMNOLEMENTS…
lebruitduoff.com – 15 juillet 2022
AVIGNON OFF 2022. « Mon visage d’insomnie » – Par Samuel Gallet et Vincent Garanger – Au 11.Avignon.
La pièce se déroule dans un centre d’accueil pour jeunes immigrés, partis pour la plupart en voyage au ski. Il n’en reste qu’un, Arouna dont s’occupe une jeune éducatrice, rejointe par son futur remplaçant : un certain André. Deux générations s’opposent, la jeune femme est très sérieuse, parfois même pince sans rire et réagit avec violence aux blagues racistes d’André. Ce dernier se montre plus décontracté, dans le genre qui veut faire des barbecues sur la plage pour instaurer une bonne ambiance, pas bien au courant des procédures légales à réaliser pour aider les jeunes à recevoir leurs papiers, qui a des préjugés sexistes et s’autorise ces fameuses blagues racistes. Leurs postures contrastées restent figées d’un bout à l’autre du spectacle qui n’évolue pas beaucoup : du Tchekhov immobile, lavé de sa psychologie.
Le texte, un peu long, sert à merveille le réalisme de l’intrigue. Il ne s’y passe pas grand chose dans cette grande maison aux lits superposées derrière les murs : des bribes de gestes suspendus à la lisière du désir, un agacement exprimé dès le premier jour, une paranoïa qui met son temps à prendre une forme visible. Mais peu à peu, au cœur de ce village gangrené par la vieillesse et la peur de l’étranger, l’étrange prend le dessus, le mensonge et la folie récupèrent leurs droits jusqu’à transformer le noir et blanc en couleurs brûlées. Le retournement de situation, assez peu crédible, amène au moins une once de variation à la situation, figée depuis les premières répliques. Le jeu est lui aussi figé, téléphoné par endroits même si le fil du téléphone a été coupé.
Un spectacle intéressant, qui remet en question nos façons hâtives de juger et n’accorde pas plus de vérité à ceux qui s’alarment qu’à ceux auxquels il faudrait prendre garde : à regarder pour voir le fil prendre un emmêlement particulier.
Célia Jaillet